FIGAROVOX/ENTRETIEN – Le député européen LR Arnaud Danjean réagit à l’attentat-suicide perpétré à Manchester et revendiqué par l’Etat islamique.
Source : FigaroVox

Arnaud Danjean est député européen (LR), ancien membre de la DGSE, membre de la sous-commission Sécurité/Défense du Parlement européen et spécialiste reconnu des questions de sécurité.


FIGAROVOX.- Que vous inspire l’attentat-suicide perpétré à Manchester et que l’Etat islamique a revendiqué? Le lieu a-t-il été choisi dans le seul but de provoquer un maximum de morts ou bien faut-il y voir un symbole?

Arnaud DANJEAN.- Les terroristes islamistes recherchent par définition un impact maximal tant en termes de communication que de nombre de victimes. Des rassemblements publics sont donc des cibles «idéales» car combinant ces deux dimensions.

Il est toujours possible de spéculer sur le choix particulier de la date et du lieu (un concert d’une jeune artiste féminine, américaine, en Angleterre, à la veille d’importantes échéances internationales -sommet de l’OTAN, G7- auxquelles participera le Président américain).

Mais il existe aussi une bonne part d’opportunisme dans le passage à l’acte de réseaux désormais plus atomisés et qui ont consigne de frapper où ils peuvent et quand ils peuvent.

Les services de sécurité britanniques ont-ils une réputation de compétence et d’efficacité parmi les professionnels de l’antiterrorisme?

Oui, incontestablement les services britanniques, familiarisés de longue date avec le terrorisme, sous toutes ses formes, sont compétents. Ils sont sans doute ceux – à part peut-être les Israéliens- qui sont allés le plus loin dans l’intégration de leurs différentes structures antiterroristes. Suite au 11 septembre et plus encore après les terribles attentats de Londres en 2005, les services de renseignement (connus sous leurs anciennes abréviations de MI5 pour l’action intérieure et MI6 pour l’action extérieure) et la police ont mis en place des dispositifs centraux et régionaux très opérationnels et très intégrés. Malheureusement, Manchester est l’illustration tragique que même avec un dispositif intelligent et des compétences reconnues, l’infaillibilité n’existe pas en contre-terrorisme.

On a longtemps incriminé la complaisance de Londres envers les islamistes présents en Grande-Bretagne. Était-ce une réalité? Y a-t-il eu un tournant après les attentats qui ont frappé Londres en 2005? Qu’en est-il aujourd’hui?

Le temps du «Londonistan» où les prêcheurs ouvertement jihadistes avaient pignon sur rue est bien révolu, depuis déjà une quinzaine d’années. La législation britannique s’aligne désormais sur le modèle français permettant d’aller très en amont dans l’incrimination en matière de radicalisation. À bien des égards, les Britanniques sont même désormais plus en avance que nous sur le volet prévention/détection de la radicalisation, avec une implication de tous les acteurs publics, notamment dans l’éducation, plus systématisée que nos propres tentatives encore balbutiantes et atomisées.

Si l’on considère l’équilibre délicat à rechercher entre sécurité et libertés, dilemme que tous les pays de l’Union européenne affrontent, où se situent les Britanniques? Accordent-ils à la police et la justice des moyens que d’autres démocraties européennes refuseraient?

Les services britanniques sont, en budget et ressources humaines, mieux dotés que la plupart de leurs homologues européens. Ils ont surtout une organisation qui va beaucoup plus loin dans l’intégration entre services de renseignement (intérieur, extérieur, technique) et police. Avec des moyens légaux très intrusifs, en effet, et qui sont d’ailleurs souvent contestés par des ONG. Les recours devant la justice et les débats publics sont toujours d’actualité en Grande-Bretagne sur ces dispositifs.

La coopération européenne en matière de lutte contre le terrorisme vous paraît-elle aujourd’hui satisfaisante? Que peut-on et doit-on améliorer?

Le poncif absolu et assez irritant, c’est la formule toute faire ressortie par nombre de commentateurs et malheureusement de politiques après chaque attentat: «il faut plus de coopération européenne»!

Comme si elle n’existait pas et surtout comme si cette dimension, qu’on peut certes toujours améliorer, était la réponse magique… Entendons-nous bien, la coopération est décisive. Mais cessons de laisser penser qu’elle n’existe pas alors qu’elle est intensive depuis plus de quinze ans. Mais évidemment, en matière de renseignement, cette coopération se fait par définition de façon discrète et sans «intermédiation» formelle d’une superstructure européenne. Les services travaillent sur des données extrêmement sensibles et un «pot commun» à 28 sans garde-fous n’a guère de pertinence. C’est un peu différent en matière de coopération policière, où Europol peut aider à fluidifier les échanges.

Au niveau européen, la priorité est à l’harmonisation des législations antiterroristes, à l’interopérabilité des nombreux fichiers (qu’il faut bien alimenter si on les veut efficaces!) et à l’élaboration de mesures communes face aux menaces, notamment du retour des milliers de jihadistes européens partis en Syrie et en Irak. Pour ce qui est de l’opérationnel, il faut être au plus près du terrain et ce n’est pas une superstructure européenne qui peut utilement se substituer aux services nationaux. Avant d’échanger un renseignement, le plus dur est de le recueillir et d’en tirer la substance véritablement opérationnelle.

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