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FIGAROVOX/ENTRETIEN- Manuel Valls a publiquement affiché son soutien à Emmanuel Macron. Pour Laurent Bouvet, ce ralliement achève une fracture de la gauche annoncée depuis longtemps.

Laurent Bouvet est professeur de Science politique à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il a publié L’Insécurité culturelle chez Fayard en 2015. Son dernier livre, La gauche Zombie, chroniques d’une malédiction politique, est paru le 21 mars 2017 aux éditions lemieux. Il est l’une des principales figures du Printemps Républicain.


FIGAROVOX.- Manuel Valls a annoncé qu’il voterait Macron dès le premier tour pour éviter Le Pen. Faire barrage à Le Pen: est-ce devenu le seul objectif de ce que vous appelez «la gauche castor»?

Laurent BOUVET.- Normalement, le barrage contre le FN s’érige au second tour de l’élection.

La «gauche castor» désignant cette gauche qui ne s’intéresse au «danger lepéniste» qu’une fois le premier tour passé et la surprise d’un bon résultat frontiste avérée.

Là, nous sommes dans une toute autre configuration: le danger de la «peste blonde» saisit tout le monde dès avant le premier tour puisqu’il y a une très forte probabilité pour que Marine Le Pen soit présente au second tour, et même qu’elle se qualifie pour celui-ci avec un score élevé au premier tour.

C’est cette nouveauté qui a visiblement motivé l’ancien premier ministre qui entend s’assurer que le second tour n’oppose pas la droite (François Fillon) au FN mais plutôt un candidat qui emmène avec lui une partie de la gauche (celle dite de gouvernement ou réformiste), Emmanuel Macron.

Cette prise de position de Manuel Valls soulève évidemment quelques questions. Est-ce qu’il avait intérêt à se ranger ainsi sans autre considération sous la bannière macroniste?

N’aurait-il pas été plus sage d’attendre que la situation électorale se précise davantage sachant qu’un tel ralliement n’est ni particulièrement bienvenu côté Macron (Valls représente une continuité forte avec François Hollande) ni évidemment bien considéré au PS compte tenu de l’engagement pris par l’ancien premier ministre de soutenir le vainqueur d’une primaire à laquelle il a participé?

Et on peut aussi se demander quel gain politique il en attend lui-même, dès lors qu’il va disparaître dans la masse des «ralliés» à Macron.

Le résultat le plus immédiat de ce ralliement étant l’objectivation de la division profonde du PS, de ces «deux gauches irréconciliables» que Valls lui-même avait parfaitement décrites il y a quelques temps. On arrive ainsi au bout d’un processus dans lequel tous les acteurs ont leur responsabilité.

La disparition du clivage droite/gauche au profit d’un clivage Macron/Le Pen n’installe-t-elle pas le FN comme parti d’alternance?

Si le second tour de la présidentielle se déroule bien entre Macron et Le Pen, on verra s’installer à la fois un nouveau clivage structurant de la vie politique: entre un libéralisme aussi bien économique que culturel et «sociétal» assumé pro-européen et pro-mondialisation d’un côté et un antilibéralisme tout aussi assumé appuyé sur un retour à la souveraineté dans les frontières nationales et une définition culturaliste et organique de l’identité française. Ce nouveau clivage recoupant très largement une division à la fois sociale, territoriale et culturelle du pays.

Dans un tel cas, le FN apparaîtrait en effet comme le pôle d’alternance majeur – dans l’opposition à une vaste coalition regroupée derrière Macron – pour les 5 prochaines années, attirant à lui à la fois des élus (issus de LR en particulier) et des électeurs.

Une telle opposition justifierait alors pleinement le discours tenu de longue date par le FN représentant celui-ci comme un parti «anti-système». Une telle perspective posant la question du point d’arrivée en 2022 d’un tel système politique restructuré, au moins en partie, autour de ce clivage.

Les forces classiques de la gauche et de la droite étant désormais sommées de se prononcer dans le cadre de ce clivage, soit pour l’accepter et rallier un des deux pôles (sous des formes qui peuvent être variables), soit pour le refuser et se retrouver en marge des débats politiques qui en résulteraient.

«Nouveaux visages, nouveaux usages» dit Emmanuel Macron. Que vous inspirent les ralliements (de gauche ou de droite) des figures politiques chevronnées à En Marche?

Il y a là, à la fois, quelque chose de très classique où l’on voit que certaines personnalités changent de trottoir assez aisément sans jamais changer de métier, cherchant à être du côté du futur pouvoir, et quelque chose d’assez nouveau: la mise en place avec une bonne probabilité de succès (contrairement aux tentatives précédentes) d’une force centrale sinon centriste dans la vie politique française.

Et certains «ralliés» doivent aussi être considérés comme sincères dans leur démarche, ils veulent un gouvernement central, regroupant tous les réformistes d’où qu’ils viennent politiquement.

L’autre originalité tient à la position très claire de Macron en matière de ralliement. Il ne sollicite personne (en dehors de François Bayrou) et accueille tous les ralliements sans jamais négocier quoi que ce soit – publiquement du moins.

Chacun qui rejoint le candidat d’En Marche le faisant en fonction d’une démarche d’adhésion à son projet, sans qu’il y ai un quelconque accord d’appareil par exemple, comme à l’occasion de ce qui s’est passé entre Hamon et Yannick Jadot. Cela donne une grande force à Macron et lui permet, précisément, d’affirmer qu’il y aura de nouveaux visages et de nouveaux usages, ne devant rien à personne. On peut dire que de ce point de vue, le contrat est clair.

«L’insécurité culturelle» titre d’un de vos livres est invoquée par Macron comme par Fillon. Pensez vous que les politiques ont pris la mesure de ce phénomène?

C’est, pour un auteur, et qui plus est un auteur qui essaie de faire avancer quelques idées dans le débat public, très satisfaisant de voir que certains candidats à la présidentielle reprennent ses analyses. La prise de conscience est très nette sur les enjeux se rattachant à ce que l’on nomme l’identité culturelle dans cette campagne.

Les considérations économiques et sociales qui restent fondamentales ne sont plus détachées de celles liées à l’insécurité culturelle. J’écris et explique depuis des années qu’elles ne peuvent pas être considérées séparément sous peine de passer à côté d’évolutions structurelles dans la société et l’électorat. La montée en puissance considérable du vote FN dont «l’offre» politique est précisément articulée autour de l’insécurité culturelle dans toutes ses dimensions démontre, hélas, ce que j’ai pu dire et démontrer, avec d’autres, depuis des années.

A gauche, cela n’a pas été très bien compris et très bien vu. On m’a souvent, au mieux, à la fois du côté de la «gauche de la gauche» et des sociaux-libéraux, expliqué que je ne comprenais pas la centralité des questions économiques et sociales, et au pire traité de «lepéniste» pour oser évoquer l’insécurité culturelle.

En tout cas, très peu de responsables politiques ont pris la peine d’écouter ce que j’avais à leur dire, et donc de comprendre qu’une manière plus efficace de combattre la montée du FN était d’essayer de regarder ses causes en face plutôt que de se contenter de détourner la tête ou de faire la morale à ses électeurs.

On est aujourd’hui au bout de ce chemin de négation du problème et de fausses solutions. L’état de la gauche est largement dû à ce déni de la réalité de l’insécurité culturelle. Le discours, classique d’une certaine gauche, mettant en cause la dérive sociale-libérale en économie, ne fonctionne pas ou du moins pas totalement. S’il fonctionnait la stratégie de campagne de Hamon – des «frondeurs» pour aller vite – serait beaucoup plus convaincante et en tout cas convaincrait davantage d’électeurs. Or il est non seulement très largement dominé par de Macron mais aussi, à sa gauche, par Mélenchon. Mélenchon réussit mieux que Hamon non seulement parce qu’il est plus légitime dans la contestation du quinquennat Hollande mais encore parce qu’il a su enrichir très tôt dans sa campagne son discours économique et social d’une dimension républicaine, laïque et nationale, répondant en partie aux questions liées aux problématiques d’identité. Cela lui a d’ailleurs été reproché par une partie de la gauche! Preuve que la réalité politique crue de notre société peine à faire son chemin dans ce coin de l’échiquier politique.

Source : FigaroVox

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marman68

vous la gauche, vous critiquez la droite parce que vous êtes des incapables, et vous espérer être élus par les critiques que vous formulez de plus en plus forts à l’avancement de cet élection présidentielle, mais vous ne serez pas élu, déjà parce que vous critiquez trop, et au lieu d’unir vous divisez, votre but n’est pas que la France sorte de cette merde, votre but c’est que le font national ne sorte pas, et pour vous, une fois que le front national sera hors de course, eh bien vous pourrez continuer de nous emtuber

marman68

tous ce qui compte pour eux c’est faire barrage à Le Pen et rien d’autres, comme ils le disent : la gauche Le Pen est une statégie sucidère, evidement car dans ce cas là c’est le FN, qui serai élu, alors ils feront tout pour que ça reste Droite, Gauche

marman68

Ce que la gauche veut c’est dégoûté les gens de voter, pour ensuite suivre un gouvernement totalitaire, religion universelle, revenu universelle, gouvernement universel , et puis le salaire universelle et puis pour les pauvre ça représenterait quoi 50. 00 de plus pour les gens qui touche le R.S.A, il pourrons aller une fois par mois au cinéma, et ils n’auront même pas assez pour ce payer un verre après la séance, quelle générosité. Et à côté de ça eux dépense toujours des millions d’euros ( MINIMUM ) pour aller ce promener. il faut savoir aussi que si LE PEN , est Front National, tous ceux de la gauche sont des Francs-maçon, et si vous ne me croyez pas renseignez-vous sur l’histoire