La bonne conscience des people contre les violences policières

FIGAROVOX/TRIBUNE – Des artistes dénoncent les violences policières dans Libération. Pour Eloïse Lenesley, les people sont trop éloignés des réalités quotidiennes du peuple pour s’émouvoir de la déliquescence du cadre de vie de nombre de Français.

La société du spectacle – ou plutôt des people, comme il convient de la désigner aujourd’hui -, est bien étrange et pétrie de contradictions. Dans une pétition publiée le 14 février par Libération, quelques dizaines d’artistes émus à juste titre par l’affaire Théo s’insurgent contre les violences policières et y vont de leurs petites exigences : ils réclament notamment «que le vouvoiement soit systématiquement employé lors des contrôles», que «soit instauré le récépissé pour lutter contre le contrôle au faciès ainsi que des caméras-piétons sur les agents», «de meilleures formations pour nos jeunes policiers, et le retour de la police de proximité», «qu’un comité d’éthique soit mis en place et que les sanctions soient sans appel quand des policiers ont des comportements racistes et violents», mais aussi «une vigilance accrue lors des recrutements car les policiers racistes qui posent problème [sont] le plus souvent, de jeunes militants issus d’un parti politique bien connu». On garde le meilleur pour la fin: «que soient abandonnées les dispositions qui assouplissent le régime juridique de l’usage des armes». Bref, «notre police doit être exemplaire !», concluent-ils. On espère ardemment qu’ils apporteront leur obole au financement de ce coûteux programme, dont ils imaginent avec une touchante naïveté qu’il va permettre de «retrouver une République juste et apaisée».

Inénarrables donneurs de leçons à l’indignation sélective

On visualise déjà la scène entre le flic de banlieue, prématurément usé de sillonner des quartiers «sensibles» et d’arrêter des voyous relâchés illico par la justice, qui tombe sur un dealer au coin d’une rue blafarde égayée de luxuriants tags bigarrés:

– «Bonjour Monsieur, pourriez-vous avoir l’obligeance de me présenter vos papiers, je vous prie?
Ferme ta gueule, toi, j’ai mon récépissé!
Parfait! Dans ce cas, passez une agréable fin de journée!».

Mais ne nous y trompons pas: nos artistes condamnent aussi «avec force les casseurs et les voyous», histoire de nous faire croire qu’ils se sentent un tantinet concernés par la banalisation des guérillas urbaines et des agressions croissantes commises à l’encontre des policiers, des pompiers, des enseignants, des conducteurs de bus, du corps médical et des citoyens lambda. Pas au point, toutefois, de signer des pétitions pour ça, ni même pour protester contre l’impunité des violeurs en général, dont on rappelle au passage que seuls 1% écopent d’une condamnation en cour d’assise. Et là où on ne pige vraiment plus rien, c’est qu’on se souvient vaguement que cette société du spectacle, des people, du showbiz, de la jet set, qui se veut si soucieuse d’égalité, de respect des droits, d’équité, avait signé, voici sept ans, la pétition d’un certain BHL (le bienfaiteur de l’humanité libertine) afin de soustraire à la justice américaine un prestigieux cinéaste poursuivi pour une vieille «affaire de mœurs» (novlangue médiatique pour «viol sur mineure»). Aujourd’hui âgé de 83 ans, Roman Polanski devait présider la cérémonie des César le 24 février prochain. Mais face à la polémique, il a préféré renoncer. Preuve du décalage abyssal entre l’opinion publique et les castes intello-bobo-culturelles, qui s’affranchissent volontiers des beaux principes qu’elles entendent imposer au commun des mortels. Égaux en droits ou ego à gauche, il faut choisir.

Et elle s’y connaît en revendications, la société des people: tribunes et mobilisations en faveur des migrants de Calais ou d’un meilleur accueil des «réfugiés» débarquant à Paris ; appels au barrage contre le FN pendant les régionales ; et cerise sur le gâteau (on ne vous dira pas lequel), pétition contre le Hollande-bashing. Mais il se trouve que sa perception de la réalité est de moins en moins en phase avec celle du peuple, qui se coltine au quotidien les conséquences de cet humanisme mondain. Le peuple n’est pas indifférent au sort de Théo, aux agissements de certaines «brebis galeuses» de la police. Mais il supporte encore moins la déliquescence d’un cadre de vie que des forces de l’ordre débordées ne parviennent plus à pacifier. Ce ne sont pas les people qui subissent les méfaits de campements sauvages de clandestins ni l’insécurité des périphéries, où l’on règle parfois ses comptes à la Kalash’. «C’est une tribune de bobos, de gens qui ne connaissent pas la réalité du terrain, parce qu’aujourd’hui les seuls qui pénètrent dans ces cités, ce ne sont pas les artistes, mais les policiers», réagit Patrice Ribeiro, du syndicat Synergie-Officiers.

Mercredi soir, des émeutes ont éclaté à Paris dans le quartier de Barbès, scène de feux de poubelle, de jets de projectiles et d’affrontements avec les autorités. Parmi les manifestants, les inévitables groupuscules d’extrême gauche, antifas et anars, toujours fidèles au poste dès qu’il s’agit de défouler leur hargne. Si les insurrections gagnent les beaux quartiers, un peu plus à l’ouest ou au centre de la capitale, alors nous guetterons avec intérêt la réaction des people. Nous verrons s’ils sont toujours aussi persuadés que l’urgence est aux formules de politesse, aux récépissés de contrôles d’identité, aux comités d’éthique et au désarmement des flics pour «retrouver une République juste et apaisée».

Eloïse Lenesley est journaliste. Elle collabore notamment à Causeur.

  • Par Eloïse Lenesley
  • Publié
  • lefigaro.fr

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madeleine

Ces « artistes » et « personnalités » que je nomme « parasites » me dégoûtent de plus en plus, toujours au secours de la victoire et dans le sens du vent.
En revanche, certains d’entre eux sont muets comme des carpes lorsque les médias attaquent Israël et cela arrive tous les jours ou presque. Ces Juifs « honteux » me donnent envie de vomir !

Danielle

Il faudrait que ces bonnes consciences passent une journée avec la police, et ils m’en diront des nouvelles !
Il y a toujours des bavures, les policiers sont des êtres humains comme nous tous, et parmi certains manquent à leurs devoirs, mais il ne faut pas généraliser.