LA SIXIEME REPUBLIQUE : UNE BONNE IDEE ?

CHRONIQUE N°3 DU 25 JUIN 2017

Billet d’humeur de MICHEL ROZENBLUM

A chaque élection, le serpent de l’élection des députés à la proportionnelle ressort sur les ondes et dans les journaux. Cette revendication émane toujours de courants minoritaires, souvent de mouvements représentant une part insignifiante de l’électorat, quelle que soit la validité de leurs opinions, de l’électorat.

L’argumentation des « proportionnistes » ne manque pas de poids ni de pertinence.

1 – Le  Citoyen a l’impression de ne pas être écouté.

Pour beaucoup, être élu est un métier qui rapporte et qui permet de se constituer une « cagnotte » confortable, financée par les électeurs considérés comme des veaux, cagnotte à laquelle s’ajoute la constitution de pensions de retraites dont le montant et rapidité de constitution en feraient baver plus d’un, même si leurs conditions se sont durcies récemment.

Cette impression de beaucoup d’électeurs selon laquelle les « politiques » ne pensent qu’à leur poche et à leurs intérêts et ceux de leurs proches est renforcée par la détestable habitude de certains d’ajouter aux conditions favorables du métier de député, le pactole des revenus issus des cumuls de mandats, Maire, Conseiller Général, membre de commission, comité d’étude…

Chacune de ces fonctions exigeant, pour être efficace, de s’y consacrer pleinement, cela signifie que si l’on additionnait les heures théoriques qu’un élu consciencieux devrait y passer, certains élus devraient logiquement avoir un âge dépassant les trois siècles ! Peut-être sont-ils, comme le pensent des complotistes, des « extra-terrestres » infiltrés en France pour conquérir notre planète au profit de la leur ? Il conviendra à ce sujet de vérifier si un doigt de leurs mains est tordu, ce qui démontrerait la validité des affirmations sur la présence d’envahisseurs… Toutefois, le tenace héros de cette série télévisée ayant disparu, il sera difficile de les identifier.

2 – Des candidats ne sont pas élus, alors qu’un nombre significatif d’électeurs ont voté pour eux, tout cela parce qu’un deuxième tour d’élection se déroulera au mieux avec les trois meilleurs, et le plus souvent avec les deux ayant bénéficié du plus de voix. Ce qui signifie qu’au deuxième tour, sauf si les survivants tentent de récupérer des voix des candidats malheureux, toutes les idées et demandes spécifiques aux vaincus seront oubliées.

Et lorsqu’un seul candidat sera élu au deuxième tour, les idées et demandes relayées par tous les autres candidats seront balayées, envoyant à la poubelle, sauf utilisation du levier du « 5ème tour des élections » (les manifestations et grèves). Pendant les cinq aux du mandat des élus, leur vision aura un pouvoir hégémonique, tempéré par les opinions affichées par leurs opposants élus. Mais les partis ultra minoritaires sans élus ne seront, eux, pas en mesure de faire entendre leur voix, sauf à obtenir des interviews des organes de presse. Un budget, une loi, seront donc débattus, et votés, sans qu’ils ne puissent, légalement, les critiquer ou s’y opposer, sans qu’ils ne puissent choisir un vote de défiance. Pourtant ce régime est plus favorable que le système américain dans lequel c’est le « tout ou rien », le vainqueur en voix dans un Etat des Etats-Unis remporte tous les postes de représentants de cet Etat, ce qui conduit à une candidate battue alors qu’elle a bénéficié du vote de 3 000 000 d’électeurs de plus que le Président élu. Mais c’est le choix des Américains qui disposent ainsi d’un pouvoir plus stable, ce système bénéficiant alternativement à l’un ou l’autre parti.

3 – Leurs voix n’étant pas écoutées, l’opinion de certains électeurs tenant de l’abstention ou du vote blanc  sur l’inutilité, ou le « parasitisme » des députés étant faite, ces électeurs se détournent des urnes, avec un record atteint lors des élections de juin 2017. Ce qui permet à des politiciens démagogues de déclarer que le parti majoritaire n’est pas représentatif, et donc pas légitime, car il n’a été élu par moins de 40% des électeurs. Compliment que ces imprudents pourraient aussi recevoir, si leur échec ne nécessitait pas de leur faire ce rappel, leurs moins de 15% des voix seraient imputées des deux tiers ! Et la comparaison entre le nombre de votants à la présidentielle et aux législatives n’est pas probant, puisqu’il ne s’agit pas du même registre.

4 – Leurs voix (comprendre « leurs revendications ») n’étant pas écoutées, les électeurs de partis pas ou peu représentés à l’Assemblée Nationale n’ont d’autres choix que de s’exprimer par la violence. Cette affirmation, entendue sur les ondes la semaine passée, est particulièrement édifiante et inquiétante. La violence à laquelle elle fait allusion, est en grande partie initiée, par leurs discours virulents et vindicatifs, par ceux-là même qui prétendent qu’elle est le résultat d’une absence de représentation et d’écoute. Cette politique de l’huile sur le feu est l’arme favorite des populistes, de droite et de gauche.

La référence au manque de légitimité des élus majoritaire et l’utilisation du nombre de votants pour certains partis de l’opposition par rapport aux votes des législatives est en fait la manifestation d’un rejet profond du régime présidentiel, où le Président, lorsqu’il détient une majorité à l’Assemblée Nationale, fixe (théoriquement) les règles et impose les lois et qui, lorsqu’il ne détient pas cette majorité, bénéficie d’un pouvoir de nuisance qui peut en partie torpiller l’action du gouvernement issus d’élections défavorables.

Le piège dans lequel se fait prendre l’auditeur est d’autant plus subtil que, si l’on considère la sphère politique, sociale et économique, il est vrai que beaucoup d’électeurs estiment que les politiciens promettent mais ne tiennent pas leurs promesses (comme dans un dessin de Daumier sur les politiciens où un électeur lui reproche ! « Pourquoi, vous les politiciens, ne tenez jamais vos promesses électorales. ? Critique à laquelle l’élu répond, sans état d’âme : « Mais monsieur, si nous les tenions, sur quoi serions-nous réélus la prochaine fois ? »), ce qui entraîne une défiance « a priori » et pas toujours juste envers TOUS les politiciens et justifient du coup l’abstention, puisque de toute manière, les élus, quels qu’ils soient, n’en feront, selon ces électeurs, qu’à leur tête et en faveur de leurs intérêts personnels et ceux de leur « cercle ».  Cette abstention massive est facilitée par l’apostrophe justificative facile de « tous pourris » que l’on entend parfois, avec parfois pour seul exception, SON député, SON Maire.

Ces idées sur la représentation de tous dans l’Assemblée sont raisonnables et généreuses. Elles ne peuvent, telles quelles, que satisfaire la raison. Il convient d’éviter l’accaparement du pouvoir politique et économique par une minorité au détriment de la majorité.

Mais qu’en est-il si l’on se livre à une analyse pragmatique, à partir des régimes politiques ou le système de la proportionnelle est en vigueur, ou fut en vigueur ?

France

Les troisièmes et quatrièmes républiques eurent des pouvoirs faibles, en permanence contestés. Les ministères ne survivaient pas aux actions destructrices des individualismes et des ambitions personnelles. Cela n’a pas empêché certaines réformes, notamment en matière sociale, sous Léon Blum, mais la paralysie de l’exécutif a fortement limité les possibilités d’action des pouvoirs en place.

Belgique

Même combat, instabilité politique, recherche permanence d’alliances pour obtenir une majorité donc impossibilité d’avoir une politique claire applicable sur une période suffisante pour qu’elle produise ses effets.

A cela s’ajoute une menace, périodiquement soulevée, de scission du pays en deux entités linguistiques indépendantes.

Italie

L’Italie a connu l’instabilité ministérielle, les alliances douteuses et l’impossibilité, sauf ponctuellement, de procéder à des réformes profondes de la sphère économico-sociale.

Israël

La proposition d’une sortie d’un système à la proportionnelle provoquerait des cris d’orfraie dans ce pays qui se veut « hyper-démocratique ».

Mais quand on examine d’un peu plus près la situation, on constate que dans l’histoire de ce pays, des partis ultra-minoritaires, notamment religieux, dont le pouvoir avait impérativement besoin pour constituer un gouvernement, imposait sa loi pour, soit amender la loi à leur profit, soit bénéficier de faveurs que la morale réprouve.

Royaume uni

Commettant la même erreur que Chirac en son temps, Madame May, Premier Ministre britannique, a souhaité anticiper une probable baisse du nombre de ses électeurs déçus des effets du brexit, pour prolonger sa longévité en bénéficiant de sa popularité du moment. Mal lui en a pris : Comme Chirac, elle a perdu son pari. Obligée de compléter le nombre des députés susceptibles de l’appuyer dans ses démarches, elle a dû se lier à des partis qui en profitent pour lui imposer des contraintes dont elle se serait bien passée. Et elle vit désormais sous la menace permanente de leur défection, ce qui pourrait la fragiliser (sauf si elle sait jouer sur cette fragilité) dans ses négociation avec L’Union Européenne.

Car le problème, au final, est bien là.

Sous prétexte de proposer un système « plus juste », les partisans de la proportionnelle essaient d’obtenir le jackpot pour leur propre parti : la capacité de chantage aux voix. Quand un parti minoritaire, voire ultra minoritaire, arrive à imposer ses opinions et choix à la majorité, peut-on encore parler de démocratie ?

Dans le système actuel, si les électeurs s’estiment trahis, ou insuffisamment entendus, ils peuvent, par leur vote dire « dégage » à la majorité sortante. Cela s’est produit déjà, en 2.12 et de manière plus spectaculaire, car touchant aussi une opposition qui considérait comme acquise son accession aux rênes du pouvoir ! En cas de proportionnelle, l’effet sera nul, car l’on se retrouvera à nouveau devant une individualité égoïste de clans qui, chacun, cherchera son intérêt et à conserver sa place à l’Assemblée en flattant ses électeurs

Oui, le système actuel est injuste et inégalitaire, mais le système de la proportionnelle, avec tout ce qu’il comprend de compromission, de trahisons, de chantage, est pire.

Un gouvernement élu doit avoir les moyens de sa politique. Ainsi, il sera seul responsable de ses succès et de ses échecs.

A moins d’un succès phénoménal, et d’une bonne communication sur ce succès auprès de l’opinion française, il y a tout à parier que le système macroniste sera balayé dans cinq ans.

Il a un projet (relativement) clair sur la relance de l’économie et la réduction du chômage, sur l’équilibre des comptes et dispose d’une confortable majorité et d’un délai de cinq ans pour réussir son pari.

Il est conscient que les réformes majeures doivent intervenir dans les premiers mois de son mandat, tant pour éviter de décevoir ses électeurs, que pour donner le temps aux mesures prises, douloureuses pour beaucoup, de produire dMr Macron ne pourra pas se plaindre, s’il échoue, de l’action destructrice des députés !

MICHEL ROZENBLUM

I.S.I.S.

INSTITUT DE STRATEGIE INTERNATIONALE

ET DE SIMULATION

 

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Miosol

De plus, on constate que le scrutin proportionnel éloigne l’élu de ses électeurs. Par exemple les députés européens n’ont pas de circonscription où faire campagne, ils sont élus sur une liste, manquent trop souvent de qualités personnelles, personne ne les connaît dans leur pays, et une fois dans leur assemblée européenne, il se contentent de suivre le mouvement.