Accueil International Israël : trop tard pour contrer la menace stratégique d’Iran?©

Israël : trop tard pour contrer la menace stratégique d’Iran?©

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Israël est de plus en plus obsédé par une nouvelle menace stratégique – l’éventualité qu’il doive affronter une guerre menée sur deux et voire même trois fronts, par l’Iran et ses supplétifs locaux. Selon Chagai Tzuriel,, le Directeur Général du Ministère des Renseignements d’Israël, l’Iran négocie à présent, avec Damas en vue de construire une base navale sur la côte méditerranéenne. Il dé »signe cet effort iranien visant à bâtir un couloir terrestre et à établir une présence opérationnelle avancée sur le front de mer : « l’évolution stratégique la plus importante dans la région ». Tout le reste, selon lui, n’est que « du bruit ».

Un couloir à travers l’Irak et la Syrie qui permette au régime iranien de convoyer des armes et des ressources humaines en combattants, directement d’Iran par la Syrie et le Liban représenterait une victoire stratégique qui mettrait l’Iran sur deux des quatre frontières d’Israël. La route la plus prometteuse pour un tel couloir, selon les experts, se dessine entre la frontière de l’Iran à travers le Sud-Est de la Syrie, près de la frontière jordanienne, dans une petite ville nommée Al-Tanf, où les forces chiites soutenues par l’Iran et l’armée syrienne combattent les rebelles syriens entraînés et soutenus par les Etats-Unis.

 

« Un couloir est bien plus qu’une route », explique le Général de Brigade Michaël Herzog, expert israélien en matière de sécurité nationale au WINEP (Institut des Politiques Proche-Orientales de Washington), qui connaît autant les politiques et les vulnérabilités des deux pays. C’est un raccourci pour le succès iranien dans le changement de la démographie sur les territoires disputés, en expulsant les Sunnites et en les remplaçant par des Chiites et d’autres minorités qui leur sont favorables. Il s’agit d’un effort global de l’Iran pour développer des relations économiques et militaires et en matière d’énergies avec les populations locales, en particulier tout le long de frontières disputées et par d’autres moyens visant à établir une présence permanente et la domination des Chiites dans la région ».

Le péril potentiel des efforts ambitieux et persistants de l’Iran pour construire ce fameux couloir terrestre entre Téhéran et son satellite, le Hezbollah au Liban, est le résultat paradoxal de la victoire imminente d’une improbable coalition menée par les Etats-Unis -mais qui comprend aussi de l’autre côté syrien, l’Iran chiite et la Russie – contre l’Etat Islamique, ces extrémistes sunnites qui ont tout d’abord contrôlé un territoire de la taille de la Grande-Bretagne en Irak et en Syrie. Bien que ces Sunnites radicaux soient confrontés à leur expulsion prochaine du territoire du « Califat » qu’ils ont proclamé il y a trois ans, c’est l’Iran qui a rempli le vide ainsi créé, en s’imposant sur le terrain politique et militaire et en gagnant une expérience opérationnelle inestimable, que les Israéliens redoutent leur permettre de bientôt encercler l’Etat Juif par tout un tas de milices chiites hostiles.

Le Hezbollah lourdement armé domine déjà depuis longtemps l’appareil sécuritaire libanais vassalisé et, de plus en plus sa politique, à tel point qu’il parait plus exact de parler à présent d’institutions d’Etat, comme les Forces Armées Libanaises, qui opèrent sous la supervision du Hezbollah, si ce n’est son contrôle absolu.

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L’alarme à propos de l’influence et les capacités grandissantes de l’Iran à projeter sa puissance, directement et indirectement,  grâce à ses séides régionaux, est un thème persistant qui a animé la Conférence d’Herzliya, la semaine dernière, lors de ce rassemblement annuel des experts israéliens et étrangers en sécurité nationale dans cette ville israélienne éponyme et près de la mer. Alors que la plupart des analystes s’accordent à dire que l’accord nucléaire entre le Président Barack Obama et l’Iran a reporté le danger d’une bombe atomique iranienne ce près d’une décennie, le désir de l’Iran de s’élever au rang de super-puissance régionale et d’étendre son influence à travers toute la région, grâce à un tel couloir n’en devient que plus fort, selon eux.

Lors de cette Conférence et d’entretiens, les analystes israéliens chevronnés de l’armée et des renseignements s’accordent à dire qu’Israël  n’a pas adéquatement traité la menace stratégique posée par les ambitions hégémoniques de l’Iran. En particulier, Israël devait faire plus pour empêcher l’Iran de créer un tel couloir ou ce que le Roi Abdallah de Jordanie a, une fois, désigné comme un « Croissant chiite » allant de Téhéran à Beyrouth à travers l’Irak et la Syrie. Pour le faire, Israël doit joindre ses forces à une autre coalition improbable promue par l’Arabie Saoudite et compter sur les Etats-Unis pour qu’ils contrent ce que plusieurs analystes israéliens décrivent comme une stratégie patiente et cohérente de l’Iran pour faire avancer ses intérêts dans ce qui représentaient autrefois une part vitale du cœur du pays sunnite arabe.

Les buts de l’Iran dans la région, affirme Shmuel Bar, un ancien analyste des renseignements qui dirige à présent IntuView, une entreprise d’intelligence artificielle qui observe les médias de la région et fournit des prédictions stratégiques, dont beaucoup se sont avérés exacts, sont de consolider son contrôle politique à Damas, d’établir une présence militaire permanente en Syrie et de construire un couloir stratégique allant d’Iran, à travers l’Irak et la Syrie, jusqu’au Liban, où le Hezbollah exerce son emprise.

S’il y parvient, l’Iran disposera alors de son propre  “Procurastan” aux frontières israéliennes et jordaniennes. Une présence iranienne  si proche des frontières d’Israël avec la Jordanie et le Liban, dit-il, qui pourra déclencher un conflit dans lequel Israël pourrait être bombarder simultanément par de l’artillerie et des roquettes par au moins deux de ses frontières. » Israël peut gérer une guerre sur deux fronts », rappelle un responsable important du Ministère israélien des Renseignements. « Mais à quel prix? ». 

Lors de la conférence et d’entretiens, les responsables israéliens ont débattu d’autres indicateurs montrant que, malgré les restrictions liées au programme nucléaire du pays par l’accord, le régime demeure engagé à devenir la super-puissance islamiste de la région et à affaiblir, si ce n’est pas à éradiquer totalement Israël. Le Général-Major Herzi Halevi, Directeur des Renseignements Militaires d’Israël (AMAN), a confirmé un rapport signalé par un journal koweitien, disant que le Corps des Gardiens de la Révolution Iranienne vient d’établir une industrie indigène de production d’armes au Liban. Halevi a dévoilé que le CGRI a déjà ouvert plusieurs usines d’armement pour le Hezbollah, une évolution que les responsables israéliens de haut rang jugent « inacceptable ».

L’ancien vice-Ministre de la Défense Ephraim Sneh a affirmé que le Hezbollah a déjà réinstallé environ 150.000 roquettes et missiles  près de la frontière du Liban, des quantités qui pourraient submerger les défenses anti-missiles sophistiquées d’Israël. Confronté à un tel tir de barrage potentiel, a t-il précisé dans un entretien, la stratégie de dissuasion d’Israël a besoin d’être modifiée », sans quoi, « un choc est inévitable ». Le Lieutenant-Général Gadi Eisenkott, le chef d’Etat-Major de Tsahal évalue à 800 millions de $ l’investissement de l’Iran envers le Hezbollah et qu’il a fourni 17 millions de $ au Hamas afin d’aider les djihadistes sunnites qui dirigent Gaza à maintenir leur contrôle sur la Bande. Alors que le Hezbollah a perdu 1.500 combattants en Irak et en Syrie et subi plus de 800 blessés, ses combattants et le CGRI ont obtenu une expérience opérationnelle inestimable, selon lui.

Une rare expression de dissension véhémente, lors de cette conférence, est venue de l’ancien Premier Ministre israélien Ehud Barak, qui a sauvagement critiqué le Premier Ministre Binyamin Netanyahu au cours du propre discours de celui-ci durant la conférence. Dans une interview quilui a fait suite, il a brocardé l’idée selon laquelle Israël serait confronté à une menace stratégique de la part de l’Iran, qu’il a traitée de « totalement ridicule ».

« Nous sommes jusque-là, la nation de loin la plus puissante, dans cette région », s’est mis à ricaner Barak. « Ce que l’Iran fait n’est pas bien, mais cela ne représente pas une menace stratégique pour nous », claironne t-il, très sûr de son fait. « Bibi-dit-il en faisant référence au Premier Ministre – est tout simplement en train de nous inventer des menaces » pour empêcher qu’on fasse pression sur Israël pour le contraindre à faire la paix à tout prix avec les Palestiniens et « pour s’assurer qu’on s’oriente vers un seul Etat (binational) ».

Il est loin d’être évident de penser que la grande stratégie supposée de l’Iran pour devenir la superpuissance musulmane de la région et démoraliser Israël sera victorieuse. « Alors que cet Humpty Dumpty [personnage de Lewis Caroll, dans « De l’Autre Côté du Miroir »,  qui affirme : « La seule question est de savoir Qui est le maître. C’est tout »] d’un Moyen-Orient qui ne peut être reconstitué », souligne Bar, une grande diversité de facteurs géopolitiques peuvent empêcher l’Iran de remplir le vide laissé par la disparition de l’Etat Islamique. La Russie, pour une part, qui fournit un soutien aérien vital pour l’armée du Président Bachar El Assad et ses alliés bien plus efficaces des milices chiites, est supposée s’opposer à la quête de l’Iran d’une base militaire navale sur la mer qui soit proche de ses propres installations de Tartous et Latakia. Les Saoudiens, qui dirigent la nouvelle coalition anti-iranienne des Etats Arabes sunnites, peut être en mesure d’entraver l’expansion de l’Iran en courtisant les acteurs locaux et en les détournant de l’Iran et de ses supplétifs, grâce à ses moyens financiers et à d’autres formes d’incitation.

Alors que la politique officielle d’Israël au cours de cette guerre de plus de six ans qui fait encore rage en Syrie demeure celle de la non-intervention, Israël a renforcé ses répliques militaires et politiques à l’effort d’encerclement attribué à l’Iran. Diplomatiquement, il a adopté une approche de la coalition arabe sunnite encouragée par les Etats-Unis et promue par le Prince saoudien Mohammed bin Salman, le nouveau Prince hériter désigné du  Royaume. Il a aussi déversé des centaines de millions de dollars dans la fortification de ses défenses frontalières avec le Liban et adopté des tactiques militaires plus assertives. Il a prévenu le Liban qui si des roquettes étaient lancées contre Israël, toute l’infrastructure du pays et pas seulement les installations du Hezbollah dans le sud, serait la cible de raids incessants de représailles.

A la frontière entre Israël et Gaza, Israël a investi des centaines de millions de dollars pour enterrer des capteurs et déployer des barrières souterraines jusqu’au niveau de l’eau souterraine, afin d’empêcher le Hamas soutenu par l’Iran de construire de nouveaux tunnels qui débouchent en Israël. A sa frontière sur les hauteurs du Golan, il a lancé des frappes aériennes qui ont tué des soldats et des généraux du CGRI, souligne Ariel Levite, un ancien directeur général politique de la Commission à l’Energie Atomique d’Israël, qui travaille actuellement avec le programme de politique nucléaire du Carnegie Endowment.

La posture plus affirmative d’Israël est destinée à signaler à l’Iran et à ses séides que l’Etat Juif fera « tout ce qui est nécessaire », dit le Lieutenant-Général Gadi Eisenkott, Chef d’etat-Major de Tsahal, afin d’empêcher des des « armements spéciaux » ou sophistiqués, de haute précision, capables de modifier l’équilibre stratégique des forces entre Israël et ses voisins, puissent tomber entre les mains du Hezbollah ou du Hamas. Il agirait également avec beaucoup plus de détermination encore, ajoute t-il, afin d’empêcher l’Iran et ses supplétifs d’encercler Israël grâce à des forces hostiles – le Hezbollah au nord au Liban, les Pasdaran du CGRI et leurs vassaux des milices chiites à l’Est en Syrie et le le Hamas depuis le Sud.

Tout en intensifiant ses opérations militaires et ses efforts diplomatiques afin de déjouer le péril stratégique potentiel, Netanyahu s’est concentré sur la mise en place par son administration de fameuses « lignes rouges » contre tout débordement du conflit venu de Syrie. Au cours de l’année passée, Israël a démultiplié les bombardements de dépôts et de convois d’armes en Syrie qu’on pense transporter des armes « spéciales » (sophistiquées) au Hezbollah. Samedi en huit, au moins deux soldats syriens ont été tués, alors que les Forces Aériennes d’Israël frappaient deux tanks et une pièce d’artillerie, à la suite de la chute de dix roquettes et missiles sur le territoire des Hauteurs du Golan contrôlé par l’Etat hébreu. Netanyahu a déclaré que cette frappe réitérait la volonté d’Israël de n’accepter aucune « pluie » de tirs intentionnels, ni accidentels, pas plus qu’aucun « débordement » de la guerre syrienne sur aucun front.

Mais Netanyahu résiste à d’autres appels en vue d’une action militaire bien plus agressive – par exemple, l’appel de certains analystes présents à la Conférence d’Herzliya, qu’Israël attaque les sites de dépôts de missiles et roquettes du Hezbollah maintenant, alors que ses combattants sont empêtrés en Syrie. Mais la plupart des analystes raisonnent en disant qu’Israël est incapable de se confronter seul à la poussée expansionniste de l’Iran et qu’il doit compter sur des puissances plus fortes -les Etats-Unis et la Russie – afin de contrer l’agression iranienne. »Israël comprend la menace stratégique que pose l’Iran », affirme le Général de Brigade Herzog. « Mais les Israéliens savent aussi qu’ils ont besoin des Etats-Unis afin de contrer l’Iran ».

Mais la réponse probable de l’Amérique sous la férule du Président Donald Trump est plus incertaine que jamais, selon plusieurs experts israéliens qui demandent à ne pas être nommer, étant donnée la nature sensible des relations israélo-américaines. Ils affirment que les inquiétudes concernant l’Iran ont déclenché une lutte intestine au sein de l’Administration Trump pour savoir si la politique américaine n’est pas trop étroitement focalisée sur la défaite de l’Etat Islamique.

Les Israéliens font pression sur Trump afin que son administration prenne ses distances à l’égard de la Russie, qui fournit un soutien aérien vital au Président syrien Assad, et pour empêcher l’Iran d’établir des routes et d’autres liaisons qui permettraient au CGRI de délpacer des hommes,des armes et du matériel depuis l’Iran vers le Liban en encourant moins de risques, à une vitesse décuplée et plus facilement. Alors que les avions américains ont frappé l’armée syrienne et même des cibles iraniennes près d’Al-Tanf, par exemple, les responsables de l’Armée américaine disent l’avoir fait en situation « d’auto-défense » afin de protéger les forces américaines conseillant les rebelles syriens. S’exprimant en privé, beaucoup de responsables israéliens doutent franchement que leur pays puisse compter sur Trump pour contenir l’Iran.

La Russie n’est, probablement pas non plus, une bonne adresse pour adresser les plaintes israéliennes, selon plusieurs responsables israéliens de haut-rang avec lesquels j’ai discuté au cours de cette conférence et plus tard. D’un côté, Israël et la Russie ont travaillé sur une entente sur des zones et moyens de « déconfliction » et la coordination des activités militaires en Syrie. Israël, avec près d’un million d’Israéliens d’origine russe, ont une relation particulière avec Moscou et avec Vladimir Poutine, avec lequel Netanyahu a des contacts fréquents. Mais de nombreux Israéliens n’ont pas confiance en la Russie et encore moins en la volonté de Poutine de protéger Israël de l’Iran. Parce que la Russie elle-même dépend de l’Iran et des milices chiites parrainées par l’Iran pour la protection de ses propres forces et de leurs bases en Syrie, il est, donc, plutôt épineux de savoir comment, exactement, elle pourrait prendre ses distances avec l’Iran et maintenir son contrôle sur le territoire qu’elle domine à présent -même si c’était en fait le propre but de la Russie.

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Lire d’autres articles de l’Iran Week de Tablet.

27 juin 2017 • 9:30 PM

Adaptation : Marc Brzustowski

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Elias

L’ Iran détient déjà la Bombe.

Ephraïm

Israël obsédé ? je suis israélien et je vous assure que l’auteur de l’article se fout le doigt dans l’œil !
Ce n’est pas à Israël et au Mossad que l’on va apprendre à préparer tout programme de défense et d’anéantissement de l’ennemi ! nous avons plein de touristes du monde entier qui sillonnent le pays ! et chacun vaque à ses besoins dans la sérénité .

Harri

On est dans la mouise.
Il faut se préparer à une guerre totale du mieux possible,et négocier,voire lâcher ce que l’on peut à Poutine,seul decideur

ixiane la parpaillote

Et l’UE qu’est-ce qu’elle en dit ? l’IRAN se rapprocherait dangereusement de l’EU, elle n’a pas peur de sa future bombe atomique ??