Le thème central de l’antisémitisme classique dit que les Juifs incarnent le Mal Absolu. Cette accusation fallacieuse et extrême s’est propagée intensivement au cours des siècles et a débouché sur la Shoah, les pogroms, et tant d’autres meurtres et situations de discrimination. La conception de ce qu’est ce mal absolu n’a fait que muter au cours des siècles, alors que les cultures évoluaient. Dans les sociétés occidentales contemporaines, la perception principale du mal absolu consiste à dire que tels citoyens se comportent comme les Nazis, ou alternativement, qu’ils commettent un génocide. 

La présence massive d’antisémites dans le monde a conduit progressivement à des accusations arguant qu’Israël agit envers les Palestiniens tout comme les Nazis allemands et leurs alliés se sont comportés envers les Juifs. J’utilise l’expression Inversion de la Shoah pour désigner ce motif de haine particulièrement dangereux et pernicieux. La très grave incitation à la haine anti-israélienne est dominante dans de nombreuses régions du monde arabo-musulman. Quoique cela puisse sembler surprenant, cette inversion du sens de la Shoah est, le plus souvent, conjuguée à la négation de cette même Shoah[1]

Un certain nombre d’études faites dans plusieurs pays européens ont démontré que l’inversion de la Shoah est un phénomème généralisé dans l’Union Européenne. C’est déjà le cas depuis de nombreuses années. Le pays où on trouve le plus d’études disponibles à ce sujet est l’Allemagne. Elles prouvent toutes la présence massive de vastes nombres de pervertisseurs de la Shoah. 

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Une étude de la Fondation Friedrich Ebert, liée au Parti Social-Démocrate allemand, publiée en 2015, démontre qu’en septembre 2014, 27% des Allemands sont d’accord avec l’assertion disant que « Ce qu’Israël fait aujourd’hui aux Palestiniens n’est pas différent de ce que les Nazis ont fait aux Juifs ». Une deuxième question, à peu près identique, demande : « Êtes-vous d’accord avec l’idée qu’Israël est en train de mener une guerre d’extermination envers les Palestiniens? ». Près de 40% des Allemands interrogés répondent par l’affirmative à cette odieuse proposition[2]

Cette année, la Fondation Bertelsmann a publié une étude portant sur une enquête de TNS, datant de 2013, qui trouve que 41% des sondés allemands approuvent l’affirmation : « La façon dont l’Etat d’Israël se conduit aujourd’hui envers les Palestiniens n’est, en principe, pas différente de ce que les Nazis ont fait aux Juifs sous le Nazisme (IIIème Reich) »[3]

D’autres recherches plus anciennes démontrent que, même là où on observe un déclin de la tendance à l’Inversion de la Shoah, les configurations demeurent pourtant extrêmement élevées. Une étude publiée, en 2011, par l’Université de Bielefield a, également, été menée pour le compte dela Fondation Ebert. Elle a été entreprise dans plusieurs pays européens. Les chercheurs ont questionné mille personnes par pays, âgés de plus de 16 ans, à l’automne 2008. L’une des questions posées consistait à savoir s’ils approuvaient l’assertion prétendant qu’Israël perpétue une guerre d’extermination contre les Palestiniens. Les pourcentages les plus bas constatés se trouvaient en Italie et aux Pays-Bas, avec respectivement 38 et 39%. Parmi les autres moyennes statistiques, on trouve : la Hongrie avec 41%, le Royaume-Uni avec 42%, l’Allemagne avec 48% et le Portugal avec 49%. En Pologne, le score se situe à 63%[4]

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Si on extrapole ces données à l’ensemble de l’Union Européenne, on peut en conclure que, des 400 millions de citoyens de plus de 16 ans, 150 millions sont prêts à adopter une vision diabolique des intentions d’Israël. Ceux qui ont répondu par l’affirmative ont exprimé des points de vue profondément antisémites. 

Au cours des premières années de ce siècle,l’Université de Bielefeld avait déjà entrepris une étude identique, celle-ci ne s’appliquant qu’à l’Allemagne. On a alors demandé à plus de 2500 personnes s’ils approuvaient l’expression : «  »La façon dont l’Etat d’Israël se conduit aujourd’hui envers les Palestiniens n’est, en principe, pas différente de ce que le Nazisme a fait aux Juifs sous le IIIème Reich ». Cette fois-là, 51% ont répondu par l’affirmative. 68% se sont dits d’accord avec l’idée que : « Israël entreprend une guerre de destruction contre les Palestiniens »[5]

 Une poignée de politiciens européens ont, eux-mêmes, comparé les Israéliens aux Nazis. On trouve des hommes politiques sociaux-démocrates de tout premier plan, parmi ceux-ci, tels que le Président français François Mitterrand [6] [NDLR : d’autant moins étonnant que lui-même était décoré de la Franscisque pétainiste, un grand ami et protecteur du Préfet collaborationniste Bousquet, responsable des rafles], le Premier Ministre suédois Olof Palme[7] et le Premier Ministre grec Andreas Papandreou[8]. Néanmoins, les hommes politiques européens qui s’exposeraient à accuser ouvertement Israël d’incarner « le Mal Absolu », en le comparant à l’Allemagne nazie, restent l’exception. 

Il existe bien d’autres cas extrémistes de diabolisation d’Israël en Allemagne. Par exemple, la Fondation allemande de la Shoah : « Souvenir, Responsabilité, Avenir » (EVZ) est destinée à enseigner la Shoah. Elle a, cependant, aussi employé des financements publics à propager une haine extrémiste contre Israël. Elle a, en effet, fourni plus de 20.000 € dans un programme d’échanges entre étudiants en 2010-2011. Il y avait, parmi les participants à cet échange, un lycée d’Allemagne de l’Est et une école arabe israélienne. Les orgnaisateurs du projet ont diffusé une brochure qui diabolisait Israël et comparait l’Etat Juif à l’ancien Etat communiste est-allemand. 

Cette même agence bien sous tous rapports a financé un autre programme pour l’Ecole Ann Frank de Gutersloh, qui a accueilli un survivant juif hollandais de la Shoah, devenu un incitateur à la haine contre Israël réputé, Hajo Meyer. Là, Meyer a, tout bonnement, assimilé la souffrance des Palestiniens à la persécution et au meurtre de masse des Juifs durant la Shoah. Il a aussi dénoncé Israël ent tant « qu’Etat criminel »[9]. Léon De Winter, un romancier à succès juif de Hollande, a déclaré que Meyer souffre « de la culpabilité aiguë du survivant ». Il a ajouté que tous les groupes dénigrant Israël adorent Meyer, parce qu’il est le mélange parfait pour le profil : il a qualité d’être Juif et survivant de la Shoah[10]

 La propagation de l’antisémitisme en Europe se fait, de plus en plus, au grand jour. Plus elle se développe, plus Israël est accusé par les incitateurs à la haine ou son image subit l’exercice de double-standards à son sujet. Pour beaucoup d’Européens, c’est devenu une nécessité leur permettant de blanchir, à la fois le passé et le présent du vieux continent. Pour certains, cela leur sert à couvrir, plus spécifiquement, les crimes de leurs ascendants. 

 Il existe une dimension malfaisante supplémentaire à l’Inversion européenne de la Shoah. On trouve, aujourd’hui, d‘importants mouvements dotés d’un agenda idéologique génocidaire, identique à celui des Nazis, dans le monde musulman. Ils se fondent sur des interprétations du Coran. Parmi ces mouvements islamonazis, on relève le Hamas, Al Qaïda, le Hezbollah, les Talibans, Boko Haram, les Shabaab et bien d’autres. Pourtant, le terme « Islamonazi » est très rarement employé par les politiciens et les médias européens. 

Il reste une question finale : le Gouvernement fait comme s’il ignorait presque entièrement ce phénomène de l’inversion de la Shoah en usage courant en Europe. Ces dernières années, j’ai, à plusieurs reprises, soulevé le problème avec divers responsables de haut rang. Ils m’ont poliment écouté, mais ces aimables conversations ne sont jamais suivi d’effets, en termes d’actions concrètes. 

 Par Manfred Gerstenfeld

Le Dr. Manfred Gerstenfeld est membre du Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem, qu’il a présidé pendant 12 ans. Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.

[1] Goetz Nordbruch, “The Socio-Historical Background of Holocaust Denial in Arab Countries: Reactions to Roger Garaudy’s The Founding Myths of Israeli Politics,”

ACTA, 17 (Hebrew University of Jerusalem, 2001), 9

[2] http://www.fes-gegen-rechtsextremismus.de/pdf_14/FragileMitte-FeindseligeZustaende.pdf page 70

[3] http://www.leipziger-buchmesse.de/media/programm/israel/Bertelsmann-Studie_Deutschland_und_Israel_heute_web_dt_final.pdf, page 40.

[4] library.fes.de/pdf-files/do/07908-20110311.pdf.

[5] Aribert Heyder, Julia Iser, and Peter Schmidt, “Israelkritik oder Antisemitismus? Meinungsbildung zwischen Öffentlichkeit, Medien und Tabus,” in Wilhelm Heitmeyer, ed., Deutsche Zustände (Frankfurt am Main: Suhrkamp, 2005), 144ff. (German). GMF stands for Gruppenbezogene Menschenfeindlichkeit (Group-Targeted Misanthropy).

[6] “Begin Hints that Mitterrand Remark Paved way for Terrorists’ Attack,” The New York Times, 11 August 1982.

[7]  Per Ahlmark, “Palme’s Legacy 15 Years On,” Project Syndicate, February 2001.

[8] “Israelis Assail Greek Leader for Likening them to Nazis,” The New York Times, 26 June 1982. 

[9] Benjamin Weinthal, “German Program Uses Shoah Funds to Play Down Holocaust,” Jerusalem Post, October 14, 2011.

[10] Benjamin Weinthal, “Germans Use ‘Anti-Israel’ Jews to Soothe Holocaust Guilt,” Jerusalem Post, October 16, 2011.

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