QUADS tueurs

Alors que Daesh prépare sa résurrection terroriste, gare aux essaims de drones

Le soi-disant Etat Islamique est, peu à peu, chassé de ses bastions irakiens et syriens. Mais l’organisation a déjà incarné des retours sur scène d’une grande brutalité, auparavant – et celui-là pourrait être global. 

PARIS— Les terroristes sont en possession de nouveaux jouets et ils font en sorte que le monde soit au courant. Alors que les troupes irakiennes appuyées par les avions de chasse et les forces spéciales américaines continuent leur percée dans Mossoul, le supposé Etat Islamique réplique à l’aide de sa propre force aérienne : des drones disponibles sur le marché commercial transportant de petites charges explosives.

« L’asymétrie » en matière de puissance de feu est si énorme que, à première vue, cela paraît presque ridicule. Mais l’inquiétude des experts de l’antiterrorisme n’est pas tant qu’un drone puisse véhiculer une petite grenade et qu’il fasse quelques dégâts. C’est que de multiples drones touchant simultanément leur cible puissent être utilisés pour briser et démoraliser les ennemis de Daesh, et pas seulement sur le champ de bataille, mais dans les villes d’Europe et peut-être même aux Etats-Unis.

Bruce Hoffmann, de l’Université de Georgetown et auteur de « A l’intérieur du Terrorisme », esquisse un scénario très sombre : Image de Paris le 13 novembre 2015″, la nuit où des gens ont été massacrés dans un concert de rock et dans les cafés à proximité – mais cette fois avec des attaques de drones superposés et survolant au-dessus de ce carnage. Les autorités auraient été complètement submergées. Cela fait encore grimper d’un cran nos craintes les plus noires, qui serait maintenant des attaques urbaines simultanées – cette fois avec des essaims de drones par-dessus tout cela ».

Sur le champ de bataille, des attaques multiples et coordonnées de drones lancées par Daesh sont déjàà l’oeuvre. CBS News  qui fait des reportages sur le front in Mossoula décrit samedi les opérations irakiennes soutenues par les Etats-Unis pour reprendre la partie ouest de Mossoul, en montrant à quel point elles étaient interrompues par des « essaims de trois à cinq » quadcoptères commerciaux modifiés pour transporter des grenades ou des obus d’artillerie.

Deash se vante de sa trouvaille de cette nouvelle arme, en publiant des photos de ses nouvelles recrues étudaint dasn des classes de développement de drones. Ces jeunes gens donnent la même impression que s’ils étaient là en formation professionnelle, mais leur profession, c’est le djihad. Daesh a aussi posté des vidéos d’actions en direct prises par ses petits oiseaux survolant leurs cibles, puis larguant des explosifs avec une précision tout-à-fait stupéfiante, y compris sur le toit ou la carlingue de véhicules blindés.

Mais dans le contexte de la terreur urbaine, comme la décrit Hoffman, l’usage de drones pour harceler et détourner l’attention est particulièrement problématique. Comme le fait remarquer un  rapport d’enquête détailléedu site de recherche indépendant Bellingcat, les drones offrent à Daesh la capacité de transformer la bataille spatiale de 2D en 3D, puisqu’il peut larguer une ou plusieurs petites bombes « sans prévenir et avec une précision surprenante », au moment de son choix. 

Dans une vidéo de Daesh, comme le mentionne Belingcat : « Nous voyons qu’une frappe de drone a été utilisée pour distraire l’attention des soldats sur le terrain d’un plus grande danger d’un SVBIED [un camion-piégé-suicide] qui a explosé en ayant des effets meurtriers ».

« L’histoire du terrorisme », déclare Hoffman « raconte celle des armes utilisées sur le champ de bataille qui ont été transférées sur le théâtre civil ».

« Pas plus tard qu’en octobre dernier, tout cela ressemblait encore à un danger hypothétique. Un excellent article  (PDF) de Don Rassler pour le Centre de Combat du Terrorisme de West Point remarquait que « l’usage de petits groupes de drones, ou d’un essaim de drones guidés par des caractéristiques autonomes, a le potentiel de monter la barre plus haut en termes de létalité de l’attaque, de son impact psychologique et de sa complexité » (à stopper).

Sur ce point, en octobre l’an dernier, on n’avait encore « constaté aucune opération » de cette ampleur. A présent, c’est le cas. Et la menace se propage rapidement.

« Dans les derniers mois, les choses ont réellement changé en termes de drones commerciaux armés », déclare Dan Gettinger, Co-Directeur du Centre d’études des Drones au Collège Bard. Daesh « a publié un grand nombre de vidéos, principalement autour de Mossoul ». Le danger qu’ils posent,dit-il, est plus psychologique que physique, mais, bien sûr, ce de nature terroriste.

« Ce message ne peut pas être ignoré », dit Gettinger. « Depuis le début il était évident que les drones ont joué massivement dans la stratégie de Daesh pour faire passer son message ».

Mia Bloom de l’Initiative de Recherche Minerva, qui surveille les activités de Daesh sur les médias cryptés, tels que Telegram et sur le Dark Web, remarque que le Département des médias de Daesh dispose d’une unité spécialisée dans les drones, qui utilise de l’imagerie aérienne pour créer des petites vidéos très lissées d’attentats-suicide. Il ne s’agit plus juste d’une photo, d’un témoignage et d’un nom, dit-elle. L’image suit le véhicule tout le long de sa route, fonçant sur sa cible en signant son oeuvre posthume par des points rouges, jusqu’à ce qu’il explose.

« Plus ils perdent, plus ils vont ressentir l’urgence et le besoin de projeter leur puissance et de faire la démonstration qu’il faut toujours compter avec eux », affirme Bloom. « Les vidéos-suicide et les efforts pour mener des attaques terroristes en Occident font tous partie de ce tout. Ainsi donc cette menace aérienne sans pilote.

« Les drones commerciaux armés n’ont plus rien d’une simple hypothèse de travail », ajoute Gettinger du Bard.

L’une des attaques terroristes les plus horribles de ces dernières semaines s’est déroulée à Istanbul, la veille du Nouvel An, au Nightclub Reina  sur le Bosphore. Trente-neuf personnes ont été tuées par un unique tireur – mais qui était bien préparé, bien armé et bien dirigé. Un homme armé unique, mais pas un « loup solitaire ».

En effet, Abdulgadir Masharipov, finalement arrêté pour les atrocités qu’il a commises, pourrait être un paradigme pour un type particulier d’attentat terroriste que Daesh peut déployer : le tueur entraîné -l’élément « dormant » qui n’attend que d’être réactivé. Et bien qu’il ne les ait pas utilisés, lors des fouilles qui ont mené à son arrestation, deux drones commerciaux ont été découverts dans l’un des endroits où il se cachait.

***

Il y a peu de questions à se poser pour savoir si Daesh prévoit de continuer le combat, quand où et s’il le peut, puisque cela semble inévitable, dès qu’il sera expulsé de Mossoul et de sa capitale syrienne, Raqqa. « Nous ne savons pas quelle forme prendra Daesh quand il sera vaincu », affirme Claude Moniquet, l’une des autorités dominantes en Belgique sur les questions de terrorisme. « Ce que nous savons avec certitude, c’est qu’ils sont préparés à l’idée d’être vaincus – et qu’ils reprendrons le chemin de la vie souterraine et clandestine ». Daesh a pourtant bien été déjà vaincu en 2007 sous sa forme antérieure d’Al Qaïda en Irak. Mais, ensuite, il s’est regroupé, réinstauré e Syrie et il est revenu avec la vengeance entre les dents. Il sont ont une résistance extraordinaire ».

Comme Mia Bloom le souligne, les communications sur les sites liés à Daesh apparaissent préparer le terrain pour une offensive globale, « une guerre d’attaque et de repositionnement », comme s’en vante Daesh.

La propagande fait remarquer, par exemple, ”Ique Daesh a bien été chassé de Kobané en 2014, mais il n’en reste rien : « Donc, toutes nos félicitations à toi, ô Pentagone, pour cette « victoire », Félécitations aux Croisés pour ces amas de rocher qui subsistent à Kobané »

Alors que le territoire que contrôle encore Daesh en Syrie et en Irak continue de s’écouler, l’organisation fait comprendre clairement ses intentions d’élargir ses horizons. La stratégie de Daesh de poursuivre sa longue guerre durant des mois et des années dépendra de sa capacité à rétablir des bases parmi les djihadistes dans d’autres parties du monde, depuis leschmaps de bataille de Boko Haram dans le Nord-Est du Nigéria vers les rivages chaotiques de Libye,le Sinaï désolé d’Egypte, les montagnes d’Afghanistan et les Jungles des Philippines septentrionales -tous ces endroits où Daesh tente de recruter des disciples fidèles et de reconstruire de nouveaux réseaux.

Mais Daesh n’a pas l’intention de s’en tenir là. « Nous voulons Paris avec la permission d’Allah, avant Rome et avant l’Espagne, après que nous ayons noirci vos vies et détruit la Maison Blanche, Big Ben et la Tour Eiffel -avec la permission d’Allah… Nous voulons Kaboul, Karachi, le Caucase, Qom, Riyad et Téhéran. Nous voulons Bagdad, Damas, Jérusalem, le Caire, Sanaa, Doha, Abu Dhabi et Amman. Les Musulmans retrouveront la maîtrise et la direction partout ».

A cette fin, il continue de diffuser des roulements de tambours constants de propagande, en espérant recruter des Musulmans désorientés et même des non-Musulmans en Europe et aux Etats-Unis. Selon Bloom, Daesh a déjà tagué certains de ses messages avec #BLM, pour Black Lives Matter. La rhétorique anti-musulmane de Donald Trump et la propagande anti-Trump mêlées, offrent pendant ce temps-là un vrai terrain de jeu et un bonus inattendu pour la propgande de Daesh.

Comme Brian Jenkins de la Rand Corporation l’a souligné en dee multiples occasions, le danger que pose Daesh pour les Etats-Unis est moins celui de l’infiltration (par les frontières) que celui de l’inspiration (le terrorisme-maison). Mais ses activités en Europe, en Asie Mineure et en particulier en Turquie, ces dernières années offre une idée assez juste de la façon dont il opère.

Ahmet Yayla, un ancien officier de l’antiterrorisme au sein de la police turque, aujourd’hui professeur à l’Université George Mason en Virginie la division du travail évidente dans les attentats de Daesh perpétrés en Turquie. D’un côté, des recrues locales sont utilisées pour des attentats-suicide, ce qui requiert relativement peu de compétence. De l’autre côté, des attaques qui intègrent un savoir-faire de l’ordre de l’assaut militaire, sont la tâche confiée à des djihadistes aguerris qui viennent généralement de l’étranger – puis qui demeurent en place en Turquie, inactifs et apparemment inoffensifs, jusqu’à ce qu’ils frappent.

L’attaque du Reina-Club correspond à ce dernier profil. Selon Yayla, le tueur est entré tout-à-fait légalement en Turquie et il a vécu tranquillement environ un an avec sa femme et ses enfants dans une ville de province jusqu’à ce qu’il soit réactivé environ dix jours avant l’attaque du Premier de l’An. Il a emménagé vers un appartement d’Istanbul, où on a livré des armes sur le pas de sa porte, véhiculées par un réseaux souterrain de Daesh.

L’attentat devait, à l’origine avoir lieu dans l’équivalent de Times Square à Istanbul, mais Masharipov a contacté ses officiers-traitants en Syrie par l’application Telegram et leurt a dit qu’il y avait trop de police et de soldats à cet endroit, aussi ont-ils changé de lieu vers le Nightclub Reina, où il a aisément pu tuer le policier qui gardait l’endroit et procéder froidement à son massacre de quelques dizaines de personnes.

 

L’attentat terroriste du 13 novembre 2015 à Paris a été mené par une combaison de plusieurs tueurs identiques, portant des fusils d’assaut et quelques recrues qui devaient seulement de faire exploser. C’est le réseau d’appui logistique qui a aidé à préparer le terrain pour les attentats de Paris, qui est devenu opérationnel lors des attentats de Bruxelles en mars, l’année suivante, selon Moniquet.

Mais certains des carnages les plus horribles ont été menés par des gens qui n’avait que des liens distendus, si jamais ils en avaient, avec Daesh, directement. Le résident tunisien en France qui a conduit un camion fonçant dans la foule assistant aux feux d’artifice du 14 juillet à Nice, tuant 86 personnes et blessant plus de 400, n’a jamais eu que des relations relativement ténues avec l’organisation, même si celles-ci ont permis au groupe de revendiquer l’action.

« Il pourrait bien être un novice complet », déclare Hoffman. « Mais tant que vous êtes en mesure d’avoir le potentiel suffisant pour inspirer ce genre d’actions, vous pouvez rester dans le business (terroriste) à jamais. C’est pourquoi Daesh pousse plusieurs pions en même temps dans des directions différentes : les opérations directes, les loups solitaires inspirés », ce qui veut dire,soit des gens dirigés par contrôle à distance via Telegram soit par d’autres moyens, y compris le véritable « loup solitaire », qui a détecté un signe dans sa tête…

C’est sur des gens pareils – voulant utiliser n’importe quel moyen à leur disposition, allant du camion de 19 tonnes à des drones vrombissant presque sans bruit -que Daesh fait reposer sa survie et, en effet, sa résurrection après hibernation…

Christopher Dickey

CHRISTOPHER DICKEY 28.02.17 7:15 AM ET

thedailybeast.com

Adaptation : Marc Brzustowski

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