Allemagne : La Boîte de Pandore et l’ascension de la Droite radicale ©

Boîte de Pandore allemande et l’ascension de la Droite radicale 

La politique allemande d’ouverture des frontières aux réfugiés a débouché sur une montée en puissance significative des forces de droite dans le spectre politique. Cela affecte, à la fois, la société allemande dans son ensemble et la communauté juive. Salomon Korn, l’adjoint au président du Conseil Central des Juifs d’Allemagne disait que « Les enfants des pays arabes sont endoctrinés comme l’étaient les enfants du Troisième Reich. Nous ne devrions pas nous bercer de l’illusion que nous pouvons aisément intégrer ces gens dans notre société« . Korn ajoutait cependant qu’il redoutait un glissement du centre vers la droite et d’autant plus l’augmentation de la violence provenant de la droite extrême[1]. 

Jusqu’à présent, les attaques extrémistes les plus violentes se sont déroulées à Leipzig. Deux cent cinquante hooligans masqués ont détruit presque toutes les vitrines des magasins dans une rue du quartier de Connewitz réputé voter majoritairement à gauche[2].  Dans l’état fédéral de Saxe, des agresseurs inconnus ont attaqué quatre centres d’hébergement de demandeurs d’asile au cours d’une période de quelques jours seulement, selon le Centre de Défense Opérationnel ( OAZ). L’une de ces attaques qui s’est passée à Leipzig, concernait un groupe estimé à sept individus qui ont préparé une charge explosive artisanale qui n’a pas réussi à être mise à feu[3]. 

Bernd Merbitz, le chef de la police de Leipzig a déclaré que règne en Saxe une « atmosphère de pogrom » dont l’intensité s’accroît. Il a ajouté que « Nous allons vers une situation où les incitateurs emploient délibérément la peur des gens pour provoquer l’hystérie contre la politique d’asile et justifier la violence contre les réfugiés[4]« . 

La Fondation Amadeo Antoni, un organisme qui porte le nom d’un travailleur angolais assassiné en 1990 par un groupe de Skinheads néo-nazis, fait la chronique de la violence contre les réfugiés. Elle collabore avec un autre organisme se consacrant au même objectif, Pro-Asyl, l’organisation de défense des immigrés la plus importante d’Allemagne. La Fondation Antoni est également active contre l’antisémitisme. En 2016, des dizaines de cas d’agressions d’immigrés ont déjà été enregistrées[5]. Dans un certain nombre de cas, les réfugiés ont été blessés. 

Selon ces organisations, les centres de demandeurs d’asile ont fait l’objet de 528 agressions en 2015. 126 de ces cas concernent des tentatives d’incendie, en moyenne une tentative tous les trois jours d’allumer le feu dans un centre de réfugiés. Les organisations ont aussi enregistré 141 attaques contre des réfugiés hors de ces centres. Au total, 205 personnes ont été blessées. Le Bureau Fédéral de la Police Criminelle a publié l’information stipulant que 2015 a connu le plus haut chiffre d’actes criminels contre les centres de demandeurs d’asile de ce siècle, 924 au total, contre 199 de tels actes rapportés en 2014[6].

Par le passé, l’ordre établi allemand a tenté de dissimuler les crimes commis par des réfugiés. Les agressions à grande échelle et les vols commis par les réfugiés, dans neuf villes allemandes et dans divers autres pays, le soir du Nouvel An ont rendu une telle occultation plus difficile à pratiquer.

Nous n’avons pas été en mesure de trouver de statistiques fiables sur les crimes et délits commis par des migrants. Un cas récent, où une femme et plusieurs retraités ont été agressés par quatre immigrés dans le métro de Munich, s’est attiré pas mal d’attention, puisqu’un passager a pu filmé l’agression et télécharger sa vidéo sur  YouTube [7]. Les assaillants se sont avérés être des Afghans qui vivent en Allemagne depuis quatre ans, bien que leurs demandes d’asile aient été rejetées. On n’a pas pu les expulser vers l’Afghanistan à cause de la situation dangereuse qui règne là-bas. C’est vrai pour de nombreux migrants, qui demeurent dans le pays pour les mêmes raisons, à la suite du rejet de leur demande d’asile. Un porte-parole de la police de Munich a reconnu que cette situation est hautement problématique[8]. 

L’inquiétude ressentie par beaucoup au sein de la communauté juive d’Allemagne, depuis le début de l’afflux des réfugiés s’est depuis lors propagée à l’ensemble de la société allemande, comme l’a prouvé, par exemple, l’augmentation majeure des ventes de bombes lacrymogène à la suite des agressions sexuelles du Nouvel An[9].

Pegida (Patriotes Européens contre l’Islamisation de l’Occident, Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes) est un mouvement de droite radicale allemand fondé à Dresde en 2014. Les manifestations de Pegida ont attiré des milliers de participants. Son but principal est de combattre l’islamisation. Il s’oppose également à la participation de l’Allemagne à l’UE et à l’OTAN. De façon à peine surprenante, il vise à de meilleures relations avec la Russie de Poutine. A la suite de l’afflux massif de réfugiés, des mouvements similaires ont surgi dans d’autres pays qui ont adopté le même nom. 

Aux rassemblements de Pegida en Allemagne, les manifestants chantent des slogans conspuant Merkel et les immigrés. Des bagarres éclatent fréquemment à la marge, à cause de heurts impliquant des manifestants anti-Pegida. Sept policiers ont été blessés dans des violences à la suite d’un manifestation de Pegida le mois dernier[10].

Pourtant, il semble que ce qui inquiète le plus le système politique allemand soit l’émergence d’un parti de droite, l’AfD (l’Alternative pour l’Allemagne, Alternative für Deutschland). Les représentants de l’AfD au Parlement européen appartiennent au même groupe que les conservateurs britanniques, ce qui contribue à renforcer sa propre image conservatrice. Les partis politiques établis perçoivent l’AfD comme un concurrent sérieux. En mars, il y aura des élections dans trois états fédéraux. Selon plusieurs sondages, l’AfD pourrait obtenir dix pour cent ou plus des scrutins[11].

Il y a eu des altercations personnelles au sein de l’AfD et personne ne sait comment il va évoluer, comme c’est toujours le cas avec un parti tout récent. Il y aura probablement d’autres luttes de pouvoir à l’intérieur du parti lui-même et il sera difficile de construire une structure de parti plus homogène à une vitesse plus que nécessaire. Pour un parti de droite, il existe toujours un risque que des Néo-Nais cherchent à s’y joindre et une grande question consistant à savoir si l’AfD peut les maintenir à distance respectable[12].

« L’Euphorie de l’accueil » qui caractérise les réactions initiales au flot de réfugiés de septembre 2015 s’est largement dissipé. Il a maintenant été remplacé par ce qu’on peut, de plus en plus, appeler une énorme boîte de Pandore. Le gouvernement allemand a déchaîné des forces extrémistes, créant de nombreux problèmes pour lesquels aucune solution n’est en vue. Certains problèmes de court terme ont été mentionnés ci-dessus. Cela sera suivi par les problèmes de plus long terme, tel que le coût de l’absorption de ces réfugiés, la difficulté à intégrer beaucoup d’entre eux dans la force de travail et même plus problématique, leur intégration sociale et culturelle.

Dans ce processus, la popularité de Merkel a fortement décliné. 80% des Allemands pensent qu’elle a perdu tout bon sens dans la gestion de la question des réfugiés[13]. Merkel a tenté de lutter contre la mauvaise humeur du pays par des paroles illusoires, en parlant de ses espoirs, sans doute vains, que les réfugiés quittent le pays quand la paix y sera restaurée[14]. Elle s’est aussi exprimée fermement contre l’antisémitisme en déclarant qu’il ne sera fait aucun compromis dans la lutte contre ses manifestations[15]. Il reste à voir ce que cela peut vouloir dire en pratique.

Dans le même temps, les réfugiés continent d’arriver. Le gouvernement allemand a annoncé que 91.000 réfugiés sont arrivés, uniquement en janvier[16].

Pour l’observateur israélien, beaucoup d’associations d’idées négatives surviennent alors que la situation se détériore en Allemagne. Ici, nous avons un pays où les agressions dites du « prix à payer » contre les minorités sont fréquentes, même si aucune idéologie faisant la promotion du meurtre des Allemands n’est en jeu en Allemagne.

Au fur et à mesure du déroulement des événements, les services qu’Israël peut offrir à Allemagne deviendront d’autant plus utiles, que ce soit dans l’amélioration de la sécurité ou dans le traitement des traumatismes médicaux et psychologiques résultant de la violence et de la peur. De plus, la capacité démontrée d’Israël à intégrer ses immigrants est d’une qualité exemplaire comparée à celle de l’Allemagne.

 Il reste à voir si l’Allemagne souhaite vraiment faire bon usage des différents domaines de compétences d’Israël. La Boîte de Pandore de l’Allemagne d’aujourd’hui, comme dans le mythe grec, a produit des problèmes insolubles. D’une manière générale, cependant, peut-être que l’assistance israélienne peut grandement contribuer à les soulager. 

 

7 Février 2016

Par Manfred Gerstenfeld

 

Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.