Agriculteur poignardé : la défense demande une requalification en acte terroriste

L'agriculteur travaillait aux champs lorsqu'il a été attaqué et sérieusement blessé par un individu fiché S et assigné à résidence. - Crédits photo: REMY GABALDA/AFP

Le procès de Kader B., fiché S accusé d’avoir poignardé un agriculteur de Laroque-Timbaut, s’ouvre ce mercredi à au tribunal correctionnel d’Agen. La défense dénonce la qualification de l’attaque en délit de droit commun, et demande la saisine d’un juge antiterroriste.

L’attaque d’un agriculteur de Laroque-Timbaut par un individu fiché S et assigné à résidence relève-t-elle du droit commun? Le prévenu, Kader R.*, comparaît ce mercredi devant le tribunal correctionnel d’Agen pour violence avec arme, un délit de droit commun. Mais pour l’avocate de la défense, l’affaire relève du parquet antiterroriste de Paris. «Nous allons soulever deux exceptions d’incompétence en début d’audience», annonce Me Sophie Grolleau, l’avocate de l’agriculteur blessé et de son jeune collègue qui l’accompagnait aux champs ce jour-là. «Nous estimons que ces actes relèvent non seulement de la cour d’assises, mais surtout d’une qualification terroriste», explique-t-elle. «Tous les éléments sont réunis: du mode opératoire employé jusqu’à la personnalité du prévenu», assure-t-elle.

45 jours d’ITT

Le 18 juin dernier, après 21 heures, Kader B. portait plusieurs coups de couteaux contre un agriculteur qui moissonnait un champ aux abords de Laroque-Timbaut, une commune du Lot-et-Garonne. La victime s’en sort avec une profonde entaille au triceps, et une blessure au genou. Il est sauvé par son jeune collègue qui l’aidait ce soir-là. Celui-ci dira que l’agresseur a crié «allahou akbar» à quatre ou cinq reprises pendant et après l’attaque. Placé en garde-à-vue, Kader B. est convoqué le lendemain en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel d’Agen pour violence avec arme, le parquet n’ayant pas retenu le chef de terrorisme. À l’issue d’un renvoi, le prévenu est placé en détention provisoire.

Depuis, l’agriculteur se remet doucement de ses blessures. Le médecin légiste a prolongé mardi sa période d’ITT de deux semaines, la portant à 45 jours au total. En attendant, son fils a pris le relais à l’exploitation. Il a posé des congés sans solde pour terminer les moissons. Mais les travaux prennent du retard. «Je n’ai pas pu terminer les moissons de blé, ni de faire les bottes rondes. J’ai dû renoncer à plusieurs contrats de récolte de betteraves, ce qui représente plusieurs milliers d’euros de manque à gagner.»

Physiquement, il ne devrait pas garder de séquelles. «J’ai de la chance d’être costaud, donc je m’en remettrai pas trop difficilement», explique-t-il. «Mais je n’oublierai jamais l’attaque, car j’ai conscience d’être passé à deux doigts de la mort. S’il m’avait touché à l’artère ou au cou, je serais mort comme une m*rde à 50 mètres de chez moi.»

Pour Me Sophie Grolleau, cette agression relève clairement d’un acte terroriste. «Que ce soit par les faits où la personnalité de l’agresseur, tous les éléments convergent vers cette conclusion», estime-t-elle. L’avocate des parties civiles souligne le profil du prévenu, fiché S, assigné à résidence et sous surveillance des services de renseignements. Avant d’être convoqué en comparution immédiate, Kader B. devait déjà être jugé pour diffusion d’images à caractère terroriste.

Lors d’une perquisition administrative menée à son domicile, les enquêteurs avaient retrouvé une trentaine de vidéos de combats, d’apologie de l’Etat islamique et de commentaires de sourates sur son téléphone portable. L’homme avait par ailleurs deux condamnations pour violences à son casier. A ce titre, il était sous le coup d’une peine de prison avec sursis. Me Grolleau souligne aussi qu’au moment de l’agression, le prévenu était en violation de son assignation à résidence qui courait de 20 heures à 6 heures du matin.

Pour sa part, l’avocate de Kader R. ne voit rien d’autre qu’une altercation entre deux personnes qui a dégénérée. «Les parties civiles ne le disent pas dans les médias, mais ils ont clairement reconnu pendant l’instruction qu’il y avait eu des provocations des deux côtés», plaide maître Céline Pascal. «L’enquête n’a relevé aucune entreprise terroriste, aucune revendication… La définition de l’acte terroriste est très précise, et elle ne colle pas aux faits.»

Le procès sera suivi de près par le maire de Laroque-Timbaut, Lionel Falcoz. L’élu LR avait adressé une lettre ouverte au ministre de l’Intérieur Gérad Collomb pour s’étonner du peu de retentissement de l’affaire dans les médias nationaux. «Il est important que justice soit rendue à hauteur du préjudice subi par les deux prévenus», estime-t-il. L’élu se demande si le parquet «ne minore pas volontairement la portée des faits», pour ne pas «inquiéter les Français». Une attitude qu’il considère comme méprisante à l’égard de la France rurale et périphérique. «Ce n’est pas parce que ça ne se passe pas sur le parvis de Notre-Dame à Paris que l’affaire mérite un traitement de seconde zone», juge-t-il.

L’agriculteur pourra également compter sur le soutien de la coordination rurale du Lot-et-Garonne. Le syndicat agricole, qui avait déjà organisé un rassemblement devant la mairie de Laroque-Timbaut le 19 juin dernier, rassemblera ses soutiens à 13h30. «Nous n’aurons ni affiche ni slogan, nous serons simplement là en soutien à l’agriculteur blessé», explique-t-on au syndicat. «Nous demanderons à pouvoir travailler sereinement, et en sécurité.»

*Le prénom a été modifié.

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