Au lendemain du procès Eichmann, une polémique fameuse opposa Gershom Scholem, spécialiste de la kabbale et de la mystique juive, à la philosophe Hannah Arendt, qui venait de publier son compte-rendu du procès dans un journal américain. Vieil ami d’Arendt, Scholem lui reprochait de manquer d’amour d’Israël (employant l’expression hébraïque “Ahavat Israël”). Interloquée, Arendt lui répondit qu’elle n’éprouvait pas d’amour pour les peuples, mais seulement pour des individus. Sur le plan intellectuel et politique, pourtant, les deux intellectuels juifs d’origine allemande avaient beaucoup en commun. Scholem avait lui-même été pendant longtemps un membre actif du cercle pacifiste juif Brith Shalom (“l’alliance pour la paix”), dont Arendt se rapprocha dans les années 1930-40, et il avait pris position, tout comme elle, en faveur d’un rapprochement judéo-arabe et contre la politique officielle des institutions du Yishouv.

Mais ce qui le séparait d’Arendt, c’est la position, ou plus précisément l’endroit duquel ils parlaient l’un et l’autre. La philosophe, exilée aux Etats-Unis en 1933, avait fait paraître son compte-rendu du procès Eichmann, tout d’abord sous forme d’articles pour le New Yorker Magazine, puis sous forme d’un livre publié à New York, et ses critiques visant notamment le Premier ministre Ben Gourion avaient fait d’elle une “alterjuive” avant l’heure, dont la renommée n’a fait que croître depuis l’époque et dont la réputation actuelle tient sans doute moins à son oeuvre philosophique qu’à ses prises de position politiques. Scholem, de son côté, s’exprima toujours depuis Jérusalem, où il s’était installé dès les années 1920 et ses critiques contre les institutions sionistes et leurs dirigeants demeuraient celles d’un Juif sioniste de l’intérieur.

finkielkraut,la paix maintenant,kerry,arendtCette distinction demeure pertinente aujourd’hui, pour examiner l’attitude des intellectuels juifs concernant Israël et sa politique. Ainsi, lorsque le philosophe et académicien Alain Finkielkraut salue le discours “admirable” de John Kerry accusant Israël et se réjouit de la Résolution 2334 du Conseil de Sécurité contre Israël, il assume la position d’un “dissenter”, d’un Juif de l’extérieur, à l’instar d’Hannah Arendt lors du procès Eichmann. Jean-Pierre Bensimon a analysé les positions d’Alain Finkielkraut comme étant celles de l’opinion occidentale, qui considère Israël comme un Etat occupant et colonisateur *. En reprenant à son compte les accusations de John Kerry contre Israël, avec un émerveillement candide (comme s’il ne savait pas que le discours de Kerry est repris mot pour mot de celui de l’extrême-gauche israélienne, dont il a épousé les positions **), Finkielkraut montre que son jugement sur Israël n’est pas celui d’un intellectuel, même critique, mais celui d’un militant.

220px-Alain_Finkielkraut_par_Claude_Truong-Ngoc_juin_2013.jpgComme ces intellectuels de gauche qui préféraient jadis avoir « tort avec Sartre que raison avec Aron », Finkielkraut préfère avoir tort avec Kerry que raison avec Nétanyahou. Il applaudit la condamnation internationale d’Israël quand celle-ci va dans le sens de ses opinions politiques, proches de La Paix Maintenant, au lieu d’adopter une attitude de soutien, même réservé, à l’Etat juif dénigré et attaqué par l’administration sortante d’Obama et par l’Union européenne, devenue le premier adversaire politique d’Israël sur la scène internationale. En demandant à Israël un “gel de la colonisation”, le philosophe et académicien juif français s’érige en porte-parole du quai d’Orsay ou du Département d’Etat américain. Il a fait sienne la logique perverse de l’extrême-gauche israélienne, qui voudrait sacrifier les Juifs de Judée-Samarie (après avoir expulsé ceux du Goush Katif, sur l’ordre d’Ariel Sharon dont Finkielkraut se prétend aujourd’hui le disciple…) pour “sauver” l’Etat juif, réduit à une étroite bande de terre indéfendable, entre deux Etats arabes palestiniens transformés en base avancée du djihad mondial.

Dans la même émission de RCJ, Alain Finkielkraut reconnaît avoir été contacté par le CRIF pour s’exprimer lors de la manifestation de soutien à Israël, organisée le jour de la “Conférence pour la paix” convoquée par la diplomatie française dans le seul objectif de juger et de condamner Israël in abstentia. “J’ai décliné l’invitation”, avoue le philosophe, qui ajoute qu’il aurait pu “signer chaque ligne” du texte admirable de John Kerry contre Israël, dévoilant ainsi la logique intime de son engagement. En refusant de s’associer au CRIF, voix consensuelle s’il y en a, pour soutenir Israël, Finkielkraut a rejoint le camp des critiques de l’extérieur. Qu’est-il arrivé à l’auteur de la Réprobation d’Israël? Comme Arendt en son temps, Finkielkraut manque d’amour d’Israël, terre et peuple. On ne peut comprendre Israël sans un minimum d’empathie et d’amour. Alain Finkielkraut ne comprend plus Israël, qu’il regarde à travers le prisme déformant de la lecture quotidienne du Monde et des pétitions de Chalom Archav. Alain Finkielkraut nous donne à voir le triste spectacle de la défaite de sa propre pensée.

 

* http://fim13.blogspot.fr/2017/01/alain-finkielkraut-sur-la-resolution.html

** En réalité, toute la politique anti-israélienne de l’administration Obama était inspirée par les idéologues juifs pacifistes de la gauche israélienne et juive américaine, qui ont constamment utilisé Obama pour tenter de déstabiliser le gouvernement israélien, sans la moindre retenue…

Par Pierrre-Itzhak Lurçat

vudejerusalem.20minutes-blogs.fr

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Tamara

Aval 31 est dans l’obscurantisme à l’instar de ses fournisseurs de hashish. Il est obligé de leur donner des preuves de sa fidélité pour défendre le mensonge et la haine. NAUSEABOND!!!!!!!!!!!

Tamara

C’est très triste . Plutôt que de dire des inepties, plutôt que de nier la Vérité, il est préférable qu’il se taise, car alors il ne nous sera pas donné un triste spectacle, et il ne nous sera pas donné aussi de voir les narines des ennemis (nombreux) d’Israël frémir de satisfaction de voir les « amis » d’Israël lui tourner le dos. Lorsqu’on a cette intelligence, on ne peut comprendre cette lâcheté empruntée en effet à Arendt. Est-ce le formatage des esprits par les propagandes de nombreuses décennies qui finissent par convaincre même les plus intelligents à douter ? J’en doute, mais quoi alors ? la crainte d’être poursuivi ? possible et on peut le comprendre. Mais dans ce cas, il vaut mieux se taire!!!!!!!!!!!!!!!

Aaron Meier

C’est dommage, car avec cette affaire, A. Finielkraut a réussi à raccourcir terriblement son nez
bravo,
le problème c’est que concernant Israël, il ne voit plus aussi loin … que son nouveau nez
Que voulez-vous, en France le pouvoir, pour l’instant est à gauche, alors …
Mais se pointe, non pas là où le soleil de lève, mais plutôt là où il se couche, un astre nouveau (D.ieu fait monter qui IL veut et descendre qui Il veut) s’élève et a déjà commencé à donner des coups de pieds dans la fourmilière.
je gage qu’une « nouvelle mode » apparaîtra qui va faire retourner les vestes de beaucoup de personnes, mais surtout, de toute la presse et des médias qui ne sont que des P…., farcies de mauvaise foi, nourries à la mamelle du mensonge élevé en culture, bientôt… le bouillon

blum

Si un Juif de diaspora n’a pas le courage de soutenir, publiquement Israël ( après tout, il n’y vit pas, ne prend pas les armes pour Israël), il devrait avoir la décence de se taire.
Est-ce trop demander?

aval31

– la création d’Israël trop tardive a été responsable de la shoah, la haskala (création « du mouvement des lumières » sauce juive, les mouvement sectaires juifs) ont bien existé avant le sionisme (19s pour les premiers et 18s pour les seconds),
– s’il n’y avait pas eu la shoah il y aurait de toute manière assimilation et disparition,
– 95% des auto déclarés religieux étaient encore antisionistes avant 67 et je ne parle pas d’avant la deuxième guerre mondiale…..
– le terrorisme moderne vous discrédite au lieu d’argumenter et c’est la seule défense des gauchistes (des nazis aux khmers) contre Trump actuellement

Processus moderne de discrédit qui est évidement exactement l’inverse du processus de création du monde exercé par le pill pull.

Marc A

Si quelqu’un comprend un traitre mot, qu’il me fasse signe

ixiane

FINKELKRAUT est un vieillard sénile , il suffit de l’entendre parler , il faut lui tirer chaque mot de la bouche pour ne pas dire les vers du nez !!!
Les académiciens sont- ils un club de séniors écervelés ? on se demande …..

aval31

La bourgoisie juive antisemite dont a fait partie le rabinat non pas de part son manque d amour mais de part sa volonte de destruction du peuple juif a ete le premier mouvement moderne d autodestruction.
Il a commence des le milieu 19 quand au lieu de s attacher a la ceation d un etat juif il a cherchė a detruire la vie du peuple juif. La bourgoisie en voulant dissoudre l etre juif a l acide de l universalite pour son salut …a elle meme. Les rabbins, les religieux pour les memes raisons ont fait exactement de meme avec d autres maux contre la vie.
Cet etat cree avec 150 ans de retard aura laissse sur le carreau la fleur d un peuple ou meme les cochers pouvaient discuter dans de longs pill pull createur de toute l humanite. car le pill pull a fait l humanite.
Quand un cocher est aussi capable qu un fils de riche en mal de sentation ou un faux leader religieux on comprend que ce dernier ai ete elimine avec le plus profond des acharnements.
L occident heritier du judaisme a repri cette maladie avec retard et s est totalement autodetruit jusqu a Trump.

Ainsi il s epargnera peut etre inextrmiste la destruction totale de son coeur intellectuel et ce qui est arrive aux juifs.

Aaron Meier

Et votre pull, il est pile à l’envers, comme Dagobert, le roi, n’a pas été le seul