En janvier et février 2006, au motif qu’il était juif, donc sa famille riche et raçonnable, Ilan Halimi fut séquestré et torturé par le « gang des barbares ». Le procès en appel et à huis clos de 18 de ses membres devant la cour d’assise de Créteil s’est ouvert en l’absence de son chef, Youssouf Fofana. La nuit du 20 au 21 janvier 2006, llan Halimi, 23 ans, est attiré par Emma, l’appât « loué » par Youssouf Fofana. Ce Français d’origine ivoirienne prend en otage un Juif « parce qu’ils sont tous bourrés de thunes », exigeant 450000 euros de rançon.

« Le cliché suranné du Juif nanti »

Pendant vingt-quatre jours, le cauchemar se poursuit. Nu, tondu, brûlé à l’essence, blessé au couteau, menotté et bâillonné, Ilan est retrouvé agonisant le long d’une voie de chemin de fer, à Sainte-Geneviève-des-Bois, avant de mourir en route vers l’hôpital. Arrêté en 2006, Youssouf Fofana, autoproclamé « cerveau » du gang, est reconnu coupable de rapt, d’assassinat et d’actes de torture avec circonstance aggravante d’antisémitisme, lors du premier procès en 2009. De son box, il hurle « Allah Akbar » (« Dieu est grand »), multiplie les diatribes antisémites, avant de révoquer son avocate qu’il soupçonne d’être juive.

Une stratégie de couverture, selon Jean-Yves Camus, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de l’extrême-droite. « Pendant le procès, il a endossé les habits d’un djihadiste illuminé se laissant pousser la barbe et déversant un salafisme bricolé maison. Or, seul le modus operandi de la bande a été déterminé par l’appartenance religieuse de la victime : selon le cliché suranné du Juif nanti. »

Le « cerveau » en position de force

Déjà condamné à la peine maximale (perpétuité assortie d’une période de sûreté de vingt-deux ans), Youssouf Fofana, après s’être désisté, exige désormais d’être jugé une seconde fois. Entendu en tant que témoin, ses interventions risquent néanmoins de peser lourd dans le sort des 18 accusés. « Fofana va se retrouver en position de force. Il peut refuser de répondre, ou raconter ce qu’il veut. Il n’a plus rien à perdre », explique Léon Lef Forster, l’un des avocats des parties civiles.

Ayant tout orchestré, le « cerveau » connaît en effet le rôle précis des 24 complices, alors condamnés à des peines allant de 6 mois de prison avec sursis à 18 ans ferme. Jugeant ces condamnations « trop clémentes », Michèle Alliot-Marie avait demandé l’appel, se disant même prête à comparaître. Une demande que Didier Seban, avocat de Nabil, l’un des geôliers d’Ilan, récuse, criant à l’instrumentalisation politique.

Politique de l’autruche et procès exemplaire

« Il y a quelque chose d’extrêmement choquant, explique-t-il. On a l’impression que le politique veut absolument s’en mêler, en faire une affaire emblématique de l’antisémitisme, alors même que la plupart des personnes qui sont renvoyées devant la cour d’assise ne sont pas renvoyées pour la circonstance aggravante de racisme. On se trompe de procès. On n’est pas dans un procès pour l’exemple comme aimerait le faire croire la garde des sceaux. On est dans un procès d’une affaire terrible, mais malheureusement de délinquance ordinaire. »

S’il ne faut pas donner « plus de consistance idéologique à un crime crapuleux de droits communs, observe Jean-Yves Camus, c’est quand même la première fois que l’Etat s’oppose à la dénégation du caractère antisémite d’un acte ». Rompant ainsi avec la politique de l’autruche, cette décision politique entend faire de cette affaire « la plus antisémite depuis la Seconde Guerre mondiale », un procès exemplaire.

« Un passage à l’acte que l’on ne connaissait pas avant »

Car si les actes d’antisémitisme sont aujourd’hui déconnectés de l’actualité politique du Proche-Orient, persiste un « bruit de fond », selon Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). L’importation du conflit n’est pas un clash communautaire, mais s’infiltre par l’identification à la fois religieuse, culturelle et sociale aux sorts des Palestiniens, « qui produit un passage à l’acte qu’on ne connaissait pas avant ».

De fait, avec 172 actions et 643 menaces recensées en 2009, la violence antisémite a fait un bond de 77 % par rapport à 2008, selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Pour qu' »Ilan ne soit pas mort pour rien », Mona, son ancienne petite amie, qui dénonce la bétise des bourreaux et des géoliers, espère que, cette fois, les langues se délieront.

Le verdict est attendu pour le 17 décembre.

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