La récente visite des imams sous la conduite de l’imam Chalghoumi au Mémorial de Drancy constitue un événement, sauf vérification de la représentativité des membres de la délégation. N’empêche, cette visite en nombre fait signe. Cependant, l’évènement a une portée différente selon que l’on se situe au plan des signes politiques ou à celui des symboles.

Sur le premier plan, la visite enfreint avec audace un tabou idéologique et politique répandu dans le monde arabo-musulman : le négationnisme de la Shoah qui s’inscrit dans la doctrine du complot juif mondial au profit du sionisme.

Sur le deuxième plan, une question de fond se pose : en quoi « reconnaître » la Shoah ou compatir à sa mémoire constituerait un acte de conciliation, de « reconnaissance » promouvant la fraternité judéo-arabe en France, un acte militant contre l’antisémitisme présent dans le monde arabo-musulman ?

Est-ce que la Shoah constitue le problème central de l’hostilité du monde arabo-musulman envers les Juifs ?

Cette question a un « double fond ». Le geste des imams, après tout, se détermine par rapport à une donnée de la réalité, c’est à dire à ce qu’ils entendent des Juifs, de leurs représentants, de l’opinion publique, de l’Etat (Valls le représentait) qui ont donné à penser que c’était là le nœud du problème. Or ce qui est en souffrance dans le rapport islamo-juif, ce n’est pas la Shoah mais la légitimité de l’Etat d’Israël, la reconnaissance de l’historicité et de la liberté d’un peuple juif et du judaïsme. C’est aussi le contentieux qui résulte de l’antisémitisme dont les Juifs ont souffert pendant des siècles sous la loi de l’islam. Un million de Juifs ont été chassés du monde arabe au XX° siècle. Le fait que 600 000 d’entre eux aient trouvé refuge en Israël prend tout son sens sous le jour de la guerre d’extermination permanente que le monde arabe livre à Israël..

Mais tout cela est l’objet d’une occultation générale. On peut même craindre que mettre la reconnaissance sous le signe de la Shoah ne fasse qu’approfondir encore plus la haine des « banlieues » car cela revient à poser les Juifs comme victimes absolues alors que le monde arabe, le monde post-colonial se sont engagés dans une concurrence victimaire avec eux, au point même de faire de l’Etat d’Israël l’incarnation du bourreau nazi ou, pour l’extrême gauche, de voir dans le sacré de la Shoah le paravent du « crime colonial ».

Les imams n’ont pas franchi ce seuil. Ils sont restés dans leur rôle au Mémorial : ils ont prié, exalté l’islam, « religion de paix », et la cérémonie a fini par un dîner d’apparat en l’honneur de l’anniversaire du prophète de l’islam – au prix d’une confusion des genres lourde de sens sur le plan symbolique.

Mais les Juifs étaient-ils à leur place ?

Leur présence attestait ipso facto que la pomme de discorde judéo-arabe est la Shoah.

Quant à l’Etat, était-il à sa place ?

La politique qui esr la sienne depuis 20 ans, instrumentalise les religions pour obtenir la sécurité et la paix civile, alors que cette tâche doit être son privilège. Dans cet événement, on décrypte surtout le fait que la mémoire de la Shoah est devenue un sacré civil et laïque, intégré dans le sacré républicain. Le reconnaître, ce serait faire preuve de civilité et de bonne compagnie. De ce point de vue, la démarche des imams est davantage destinée à l’opinion française et à l’Etat qu’aux Juifs et surtout aux Juifs avec lesquels le monde musulman a un contentieux.

Dans cette gestion symbolique de la Shoah de surcroît, la victime considérée est tenue pour « humaine » et « universelle », anonyme, de sorte que le Juif réel s’y voit escamoté au point que, lorsqu’il s’affirme, il apparaisse comme un bourreau nazi.

Nous avons là un des principaux ressorts du nouvel antisémitisme et une des causes pour lesquelles il n’est pas reconnu pour ce qu’il est, un fait politique, mais abordé restrictivement comme un racisme d’extrême droite ou une inimitié « ethnico-religieuse », une « tension intercommunautaire » face auquel on ne pourrait répondre que par la compassion victimaire ou des cérémonies de pacification commuautaire.

Shmuel Trigano

* A partir d’une chronique sur Actualité juive du 14 février 2013 et Radio J, le vendredi 15 février 2013.

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yaakova

Cà, c’est bien vu. Merci Shmuel,Trigano de rétablir la vérité. Il faut oser s’affirmer !

Rebfil

IL faut reconnaître a l ‘ imam chalghoumi un certain courage ! même si son combat au combien juste est délaissé par ses corréliogenaires musulmans , pour eux c est un vendu , un traite et parait il en france il doit se faire protéger et bénéficier de gardes du corps ……

Jean

Ces commémorations ne servent à rien ou presque . Les anti Juifs ne sont plus les mêmes mais depuis 30 ans et force de commémorations et de « pédagogie « , les actes anti Juifs ont repris de plus belle .

Ne parlons pas de l’anti sionisme à caractère anti Juif .

Les immigrés africains et maghrébins , incroyablement nombreux en Europe ,sont eux les grands gagnants de ces lamentations , avec retard , mais répétées comme une messe . Ainsi , l’immigration sauvage continue de plus belle et on fait taire tous ceux qui osent se plaindre de ce démentiel changement de la population européenne

En rappelant la ……Shoa

Et se plaindre d’être envahi , ce serait être….. nazi ou vichyssois !!!!!!!!

Du grand art chez ces voyous mondialistes , répugnants car leur chez soi , lui , n’est pas un asile . Il s’en faut de beaucoup chez ces ordures qui font comme si un pays n’était la propriété de personne et ils ….bâillonnent tout le monde au nom des …Droits de l’homme et du rejet de ce qu’ils appellent, ces enfoirés , de la…..  » haine « .

Dan75

Merci de cette analyse. Qui rétablit la vérité. Qui est un message réconfortant sur la lucidité nécessaire à la victoire dans un combat difficile.

Richard

Toujours pertinentes et précises les analyses de Samuel TRIGANO. J’ajouterai aussi, outre le fait qu’il suffit juste de s’assoir au côté de la reconnaissance de la shoah pour être « fréquentable », les politiques ont pervertit l’esprit de compassion : « les pauvres palestiniens », (alors que ce ne sont guère plus que des arabes qui ne reconnaissent pas Israël), à force d’avoir trop valu inverser les rôles des bons et des méchants, la France comme biens d’autres on finit par si perdre. Voilà comment les muzz s’amusent à outrance avec cette « compassion » pour imposer leur loi dans tout les pays d’acceuils. Mais bon à voir comment ces muzzs en usent et en abusent ,notamment avec leur parade ignoble, brandissant la croix gammée pour désigner Israël, seule lumière de tolérance au milieu des barbares, finissent par réveiller les vieux démons…..
Les responsables politiques du haut de leur tour d’ivoire à Bruxelles commencent sérieusement à se faire dessus, d’autant plus que leur fuite en avant avec « le printemps arabe » et comme l’avait bien plus lucidement prévu les Israëliens, être un véritable fiasco. Il est de ce fait urgent d’arrêter les larmoiements, l’heure n’est plus au repentance, mais à rétablir la vérité sur l’histoire, les accords et traités passés.

Armand Maruani

A chaque fois que je lis ce genre de commentaires , j’ai l’impression qu’on demande l’aumône , alors que nous n’avons pas à nous justifier .Si les arabes souhaitent voir clair qu’ils enlèvent le bandeau qu’ils ont sur les yeux et s’ils souhaitent entendre qu’ils se débouchent les oreilles . Y en a marre de tout ce cirque qui dure depuis 68 ans .