Après le fabuleux succès de sa BD, le dessinateur Joann Sfar adapte à l’écran et en 3D les aventures de son chat talmudiste. Rencontre.

Joann Sfar est né en 1971 à Nice, d’une mère ashkénaze et d’un père séfarade. Ce dessinateur est l’auteur, seul ou en collaboration, de presque 200 albums, dont « Petit Vampire fait du kung-fu ! » (Delcourt) ou « Chagall en Russie » (Gallimard). Il a aussi réalisé le film « Gainsbourg (vie héroïque) ».

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Vendue à 900.000 exemplaires, traduite dans quinze pays, la BD «le Chat du rabbin» de Joann Sfar miaule maintenant sur les écrans de cinéma, sous la forme d’un dessin animé 3D, en forme de plaidoyer pour une laïcité féline. Entretien.

Le Nouvel Observateur – Comment est né le personnage du Chat du rabbin ?

Joann Sfar – Je venais d’acquérir Imhotep, un petit chat de race orientale, exubérant, miauleur, bizarre. Il était fou amoureux de mon épouse et n’arrêtait pas de lui mettre les pattes sur le visage. Je me suis mis à dessiner ce chat et tous les souvenirs que je n’avais pas sur Alger, puisque je suis né à Nice. Ma grand-mère paternelle, née à Sidi Bel Abbes, parlait tout le temps de l’Algérie, de Fitoussi le coiffeur et de Boukaïa le boucher.

Aux images orientalistes que je mettais sur ces paroles, j’ai ajouté mes souvenirs d’enseignement religieux: l’époque où on vous explique qu’il y a eu Adam et Eve et où vous répondez que non, qu’il y a eu les hommes préhistoriques. J’ai eu, si j’ose dire, la chance de perdre ma mère extrêmement jeune. Dès qu’on m’a enseigné que Dieu rétribuait les méritants et punissait les coupables, j’ai compris que cette croyance était à mettre dans le même sac que le Père Noël.

Le Chat s’inspire de mon grand-père maternel. En Pologne, il avait fait des études pour devenir médecin et rabbin. Il est venu en France dans les années 1930, il n’a pas eu le droit d’exercer, parce qu’il n’était pas de nationalité française. Pendant la guerre, il était dans la brigade Alsace-Lorraine où il a sauvé la main droite de Malraux, ce qui lui valu d’être naturalisé français. Au sujet du Bon Dieu, il disait: «Soit il n’existe pas, soit c’est un sale con.»

Votre film oppose le syncrétisme de l’Algérie des années 1920 à l’atomisation de la France d’aujourd’hui.

J.S. : Quand j’étais adolescent à Nice, les juifs et les musulmans se lançaient des vannes racistes à longueur de temps mais bouffaient ensemble. La difficulté que je rencontre dans les collèges et les lycées que je visite, c’est que les petits juifs se prennent pour des Israéliens et les petits Arabes pour des Palestiniens. J’en ai assez de devoir m’excuser de la politique israélienne depuis mon enfance. D’abord, je n’y suis pour rien. Ensuite, je m’en fous.

Le côté réjouissant, c’est la réaction des familles arabes en voyant le film. La phrase qui revenait, c’était: «Ils sont aussi cons dans les familles juives que dans les familles arabes !» Dans le film, j’évoque mon cheval de bataille : si un rabbin ou un imam pense que l’union d’un garçon juif et d’une jeune fille musulmane, c’est mal, alors ils peuvent nous vendre tout le vivre-ensemble qu’ils veulent, je ne les tiens pas pour des républicains.



Vous partagez un atelier à Paris avec les dessinateurs Christophe Blain, Riad Sattouf et Mathieu Sapin. Une autre forme de syncrétisme ?

J.S. : Je crois au compagnonnage, en matière de dessin. Je suis le contraire d’un révolutionnaire : la manière dont on m’a appris l’enseignement religieux, je la fais mienne en dessin, avec des maîtres, des disciples. L’analogie s’arrête là. Car, pour nous détendre entre deux cases, on se dessine sur des Post-it, en train de faire des choses porno entre nous, avec des corps de petits cochons, des nez énormes.

Avec les animateurs du « Chat du rabbin », on faisait des concours de dessins antisémites. Un jour, je suis arrivé, il y avait une énorme affiche avec ce titre «la Shoah du rabbin» et le rabbin entrait dans un camp de concentration… Une autre fois, on m’a soumis une étude morphologique qui prouvait que le rabbin avait un visage en forme de pot de Nutella.

Dans le film, vous faites intervenir Tintin en reporter plein de condescendance coloniale. Ne craignez-vous pas un procès ?

J.S. : Les héritiers de Hergé font plus peur que les islamistes ! Je n’ai jamais voulu qu’on interdise «Tintin au Congo», je suis opposé à la criminalisation de la parole raciste, mais je ne voudrais pas qu’on m’interdise de déconner sur «Tintin au Congo».

Votre rabbin doit se soumettre à une dictée en français pour garder son poste.

J.S. : Au début, on croit que c’est l’histoire d’un rabbin qui apprend la Torah à un chat, puis on s’aperçoit que c’est l’histoire d’un chat qui apprend les Fables de La Fontaine à son rabbin. L’amour de la France passe par celui de la langue française. Je suis resté bloqué au CM2, où on découvre Pagnol ou Prévert.

«Prévert est un con», si l’on en croit un article de Michel Houellebecq.

J.S. : Je relis souvent Prévert, mais je n’ai jamais dépassé cent pages de Houellebecq : ses livres m’évoquent un mélange de mauvaise émission de philo et de porno du samedi soir sur M6. Ah, ces professeurs de désespoir ! En France, notre universalisme est déçu et il faut le revivifier. Commençons par ne pas sous-estimer notre littérature.

Dans le monde audiovisuel, c’est désastreux, tout le monde assiste aux séminaires de professeurs américains de scénario. On pourrait peut-être relire Marivaux ou Beaumarchais. Il y a une formidable interview de Scorsese où il explique qu’il était un enfant de la Nouvelle Vague, mais que comme il ne comprenait rien à la sexualité, il parlait de la violence. Dans le domaine amoureux, nous avons mille ans d’avance sur les Américains.

Propos recueillis par Fabrice Pliskin

«Le Chat du rabbin», en 3D, 
de Joann Sfar et Antoine Delesvaux, 
en salles le 1er juin 2011.

Source: « le Nouvel Observateur ».

NDLR – Nous laissons le titre qui se veut humoristique, bien qu’il puisse choquer et nous choque.

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LE REVEUR

« L’{{Athée}} ne donne pas d’Attributs à Dieu et c’est en cela {{qu’il est parfaitement Monothéiste}} »

Il est athee ou monotheiste? Il croit en D… ou ne croit il pas, il faut se decider!!!
Reponse a la jankel: oui!!!!

« ne demandent RIEN à dieu et se contentent de LE prier  »

Ils demandent ou ils ne demandent pas?
Reponse a la jankel: oui!!!!

Il faut se decider, jankel ou jacob?
Oui!!!

Quand au boudhistes,ils donnent leur plat de riz a ceux qui ont faim et qui veulent le manger, comme ceux qui font des seoudots pour ceux qui les mangeront, et remercieront D…
Dans la vie il ne faut pas trop se compliquer, il faut tout d’abord voir les choses simplement, puis essayer de comprendre.
Quant aux attributs que l’on donne a D…, c’est tout simplement pour utiliser une langue que l’on comprend nous etres humains, car il est evident qu’il nous est impossible « d’enfermer » D… dans aucun attribut.
Si je dis qu’il est grand, je vais le limiter, ce qui est impossible car Il est sans limite, seulement j’utilise donc une langue que nous etres humains comprenont.

jankel

L’Athée ne donne pas d’Attributs à Dieu et c’est en cela qu’il est parfaitement Monothéiste et que dès qu’on donne des Attributs de Dieu on fait de l’anthropomorphisme imbécile. C’est pourquoi les sages juifs intelligents (rares!) ne demandent RIEN à dieu et se contentent de LE prier sans même Savoir si cela est utile. Sfar dit que Dieu est un sale con parce qu’on lui a enseigné au Heder que Dieu EST BON, qu’il PUNIT et Récompense, Intervient dans l’Histoire, et un tas d’autres niaiseries de païens du même genre.
Oui, je pense que le judaïsme en cours « chez vous » n’est pas de niveau plus élevé que le Bouddhisme des masses idiotes qui offrent des plats de riz au Bouddha…En ce sens Sfar a sûrement tort car SON Dieu n’existe pas ou bien il est Hors de l’Histoire; Il ne peut être CON et encore moins sale! Mais ce sont les cinglés du Heder qui portent la responsabilité de cette religiosité imbécile qui n’était pas celle du rabbi Nahman de Bratzlav…..!

LE REVEUR

{{ {Alors jankel (Yacob pour les spharadims) ataque les juifs « integristes » qui n’ont ni esprit,ni humour, Les sfaradims, les ashkenazes,les arabes, les musulmans, et dans sa grande inteligence soutient aussi joann sfar qui se permet de traiter D… de sale con.
Il a peut etre raison yankel , et il est si inteligent , que meme si on le traite lui de tous les noms, il trouvera certainement une explication a cela.
Alors laissons le dans sa m…de il trouvera certainement que ca sent bon.} }}

jankel

Je constate à la lecture des Commentaires (sic) que les internautes juifs intégristes aux esprits étroits et sans humour qui les écrivent, n’appartiennent pas à notre tradition d’intelligence et de distanciation mais sont bien des Séfarades aussi confus que leurs rares pendants ashkénazes « jeteurs de pierres PENDANT LE SABBAT » en Israël???? Et aussi bornés et stupides que leurs Alter Ego arabo-musulmans…

MarcP

Pauvre type. Insensé, ignorant et présomptueux.

LE REVEUR

{{ {Abraham a raison, en ce sens, que D.. n’a pas besoin de nous, mais,, c’est bien nous qui avons besoin de lui.
Et pour cela de la meme facon que l’on respecte ses parents, ou ses maitres, il faut respecter D…

Et j’ajouterais que malgres tout , meme si Lui n’a pas besoin de nos priere, Il aime bien les entendre,comme nous meme aimons qu’on nous dise qu’on nous aime par exemple!!!} }}

Abraham9

Le vrai sal con dans ce titre c’est l’auteur ?

Ceci dit Dieu a besoin ni de nos prières ni de nos insultes. C’est l’homme qui a travers ses prières cherche Celui qui ébranle la terre.

Mais qu’importe Joann Sfar s’est enrichi à travers une B.D humouristique destinée à des ignorants. Lui et comme tous ceux et celles qui ont acquit sa B.D feraient mieux de lire la Bible et comprendre le message UNIVERSEL qu’elle véhicule.

LE REVEUR

{{ {Je ne serais pas si sur, si la redaction aurait garde un titre aussi provocateur s’il sagissait de Mohamed ou du coran.
C’est si facile de choquer sans prendre de responsabilite.} }}