Directeur de la revue Controverses .

Quelle est la signification de la réception de « personnalités juives » par Mahmoud Abbas à Paris si on la met en parallèle avec ce qu’il a déclaré au début du mois d’aout lors d’une rencontre avec la presse égyptienne ? Il y dévoilait le fond de sa pensée sur la nature du régime d’un éventuel Etat de Palestine et son rapport aux Juifs.

En envisageant la possibilité qu’une troisième force, comme l’OTAN, puisse être chargée de veiller à l’exécution de l’accord envisagé, Mahmoud Abbas s’est senti obligé d’y mettre une condition : qu’il n’y ait aucun soldat juif ni aucun Israélien. “Je suis prêt à accepter une troisième partie qui contrôle l’exécution de l’accord, par exemple les forces de l’OTAN, mais je n’accepterai pas qu’il y ait des Juifs dans ces forces ni un Israélien sur la Terre de Palestine”.

Ainsi prend tout son sens la déclaration maintes fois répétée par les dignitaires de l’Autorité palestinienne, et notamment Saeb Erekat, son “ministre” des affaires étrangères, de ne jamais reconnaître en Israël un État juif, un argument systématiquement ignoré par la presse occidentale mais qui est infiniment plus grave que les fameuses « colonies » parce qu’il fait entendre un refus massif de la paix. Il prend son véritable sens, à la lumière de ce codicille sur l’OTAN. Comment qualifier en effet la condition de Mahmoud Abbas quand il demande aux États européens, membres de l’OTAN, d’exclure des rangs de leurs forces leurs citoyens juifs ? Imagine-t-on la situation et les dispositifs juridiques que ces États devraient mettre en œuvre pour écarter les Juifs de leurs citoyens ? Il frappe plus fort que l’Arabie saoudite, qui avait permis qu’au sein des forces américaines, lors de la guerre du Golfe en 1990-1991, il y ait des militaires américains juifs sur son territoire qui, pourtant, selon le Coran, est « sacré » et ne doit accueillir aucun non musulman.

Ce qui pourrait passer pour une exigence de type nationaliste ressemble à du racisme.

Ce refus de reconnaître le caractère juif de l’État -pourtant inscrit dans la décision de partage de l’ONU, juif et arabe désignant dans ce document deux nationalités- est d’autant plus choquant que la Palestine, elle, sera arabe et musulmane. C’est ce qui est inscrit en toutes lettres dans le projet de constitution du futur Etat2: « Cette constitution se fonde sur la volonté du peuple arabe palestinien » (Art. 1), « le peuple palestinien est une partie des nations arabes et islamiques » (Art. 2), « la souveraineté appartient au peuple arabe palestinien » (Art. 10), « le caractère légal du peuple arabe palestinien sera incarné par l’État » (Art. 13). « L’islam sera la religion officielle de l’État » (Art. 6).

Nous pouvons vérifier ce dernier principe (l’islamité de l’État) à la lumière de l’étrange catégorie juridique (l’article 6) forgée par cette constitution pour les non musulmans : « L’islam sera la religion officielle de l’Etat. Les religions monothéistes seront respectées ». Qui sont ces étranges “monothéistes” (et quid des Indous, des confucianistes, des bahaïs, etc., interdits de séjour en Palestine ?) sinon une version politiquement correcte du vieux statut de dhimmi imposé aux non musulmans par la loi coranique? En l’occurrence, il ne s’agirait que de chrétiens, puisque de Juifs, il ne devra plus y en avoir dans l’Etat de Palestine… En Palestine, les Juifs ne seraient théoriquement pas des citoyens, car ils ne sont ni « arabes » (clé de la nationalité palestinienne, selon les articles 10 et 13), ni « musulmans » (clé de la loi nationale palestinienne selon l’article 6); ils seraient, quoique « respectés », hors souveraineté nationale, privilège exclusif des Arabes (art. 10), qui peuvent être chrétiens ou musulmans, certes, mais avec cette réserve que, puisque la loi sera conforme à la loi islamique, les Arabes chrétiens ne seront que des citoyens de seconde zone, soumis au statut que leur impose la loi coranique, un statut qui les exclut de la loi générale s’appliquant aux musulmans, assorti d’un “privilège” cependant : comme ils échappent aux règles du droit national (islamique) pour leur statut personnel, ils sont autorisés à le gérer de façon autonome, dans le cadre de leur loi et de leurs tribunaux religieux.

C’était déjà le cas avant l’ère coloniale, avant que l’islam ait perdu tout pouvoir sur les non musulmans, et c’est bien ce que prévoit la constitution palestinienne dans son article 7 : « Lesrincipes de la Shari’a islamique sont la source première de la législation. Le pouvoir législatif déterminera la loi du statut personnel sous l’autorité des religions monothéistes conformément à leurs confessions, dans le respect des dispositions de la constitution et de la préservation de l’unité, de la stabilité et du progrès du peuple palestinien (sous-entendu “musulman”) ».

Comment le statut du monothéiste nous renseigne-t-il sur la vision que l’Autorité Palestinienne a de ce que devrait être cet État d’Israël qu’elle ne veut pas reconnaître comme ”juif” ? Comment peut-elle reconnaître les “monothéistes” et pas le caractère juif de cet État ? “Juif” ne désignerait donc pas à ses yeux un “monothéiste” ? C’est la compréhension du statut dudhimmi qui peut nous aider à clarifier ce qui n’est une contradiction que pour ceux qui ne comprennent pas les catégories de la culture musulmane. Le statut du dhimmi n’est pas individuel mais concerne des collectivités, des “nations” (millet, du temps des Ottomans) politiquement soumises au pouvoir islamique depuis la “conquête”. Dans cette perspective, on ne peut reconnaître en droit un État juif (et en fait tout État qui ne serait pas musulman), ce qui impliquerait l’autodétermination et la souveraineté d’une collectivité, dont le seul statut possible sous l’islam est celui de dhimmi. La charte de l’OLP décrétait déjà que « les Juifs ne constituent pas une nation unique avec son identité propre ; ils sont citoyens des États auxquels ils appartiennent » (Art. 20).)

Si l’on fait le rapport entre l’exigence du retour des “réfugiés” de 1948 dans l’État d’Israël et le refus de reconnaître un État juif, un paysage tout à fait différent de la doxa contemporaine apparaît : d’un côté une Palestine pure de sang juif et de l’autre un État d’Israël où vivent déjà un million d’Arabes israéliens, eux pleinement citoyens, submergé par 5 millions de « réfugiés » où les Juifs deviendront donc une minorité. La charte du Hamas est, elle, très claire sur leur devenir « les fidèles des trois religions, l’islam, le christianisme et le judaïsme, peuvent coexister pacifiquement. Mais cette paix n’est possible que sous la bannière de l’islam » (art.7). « Deux Etats pour un seul peuple » donc. Arabe.

On ne peut qu’être accablé par la visite rendue par certaines personnalités juives, et avant tout le président du CRIF, au chef de l’Autorité Palestinienne où siège le cerveau du boycott mondial d’Israël, dont les retombées sont si graves pour les communautés juives d’Europe. L’admiration et l’émotion qu’elles ont exprimées devant les médias à cette occasion sont encore plus insoutenables. Elle portait réversiblement accusation contre l’intransigeance d’Israël.

Dans cette affaire, l’incompétence le dispute à la désinvolture ou plutôt au narcissisme. Hélas, la politique est cruelle et ces personnalités n’ont fait que prêter la main au plan de communication pour l’Europe du leader d’une société profondément belliciste et antisémite. Toutes à leur suffisance, elles ne se sont même pas rendu compte que si la première visite à Paris d’Abbas était destinée à la « communauté » juive, ce n’était pas pour tenir compte de son « importance », mais pour un effet de pub frappant sur la corde symbolique, à l’avantage de la cause palestinienne.

Le jour même, le spécialiste de la société palestinienne, journaliste au Jerusalem Post, Khaled Abou Toameh, écrivait un article pour le Hudson Institute3 «, «Pourquoi Abbas veut tuer les Palestiniens qui font du commerce avec les Juifs ». Le 28 septembre, le même journaliste révélait dans les colonnes du Jerusalem Post que c’est Yasser Arafat qui avait commandité les attentats du Hamas au début des années 2000, démontrant ce que tout le monde sait, le partage des tâches entre l’Autorité palestinienne et le Hamas, tournant en ridicule « l’admiration » de certain « pour la ténacité d’Abbas à la recherche de la paix » et la confession d’un autre pour « sa sincérité » et sa conscience de « la violence du Hamas ».

Si cette rencontre était seulement marquée du sceau de l’indignité, cela serait sans importance, mais il y a infiniment plus grave, elle annule sur le plan public le patient travail d’information mené depuis 10 ans par les forces les plus vives du judaïsme français. Ce jour-là pourrait bien avoir été signé l’acte de décès d’une communauté juive française, dans le sens où une « communauté » suppose du « commun » à partager. Tout dépendra de ce que les Juifs feront après cet affront.

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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ABEL

Monsieur MARUANI, très franchement, je lis vos posts, toujours pleins d’humour ! Oui, un islam light, comme du coca cola ! On a vu ce que les insurgés ont fait de leur tyran, leur despote, tué avec la plus grande atrocité, la barbarie inégalée, sauf par ceux du IIIème Reich ! Et ces 53 pro KADHAFI, liquidés, massacrés ! L’islam modéré, mon c.. ! Ce sera le retour aux temps moyennageux, à une barbarie sans complexe, car dictée par l’islam,LE CORAN !
Qu’ils aillent tous se faire foutre ! Incapables d’entreprendre ! C’est leurs jeunes qui vont déferler chez nous pour trouver du travail, et ensuite nous faire du prosélytisme !
Il n’y a rien à attendre de bon de tous ces gens là ! Du reste le coran a été écrit par une bonne majorité d’imbéciles pour une multitude d’imbéciles !
Allez, passons à autre chose ! Et en attendant, qu’ils s’entretuent, ca leur sied bien !
ABEL

Jcdurbant

Oui, il est grand temps que soit denonce le veritable apartheid que nous prepare le futur Etat palestinien que le reste du monde tente d’imposer au seul Etat democratique de la region, mais juste une question:

Quid de ce 3e projet de constitution de 2003 cite apparemment par un professeur de l’Universite Laval?

CONSTITUTION DE L’ÉTAT DE LA PALESTINE

Troisième projet, le 7 mars 2003, révisé le 25 mars 2003

Article 5

L’arabe et l’islam sont la langue et la religion palestinienne officielle. Le christianisme et toutes les autres religions monothéistes seront également vénérés et respectés. La Constitution garantit l’égalité en droits et obligations à tous les citoyens, sans tenir compte de leur croyance religieuse.

http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/asie/palestine.htm

Eli.d.ashdod

Ces deux articles sont une réponse cinglante à ces gens que nous n’acceptons avec nous pour prier que le jour de Kippour.

http://eli-d-ashdod.over-blog.com/article-lettre-ouverte-au-crif-suite-a-la-reception-de-mahmoud-abbas-58063170.html

http://eli-d-ashdod.over-blog.com/article-un-yishouv-qu-est-ce-57866797.html

Eli d’Ashdod

Lalou5

Il l’aura la Légion d’Honneur Mr Prasquier !

Ro.ben

Quand Mahmoud Abbas, s’adressant à des « personnalités juives » à Paris déclare qu’il n’accepterait pas un Israélien sur la Terre (avec un T majuscule) de Palestine, de quelle terre s’agit-il dans son esprit ? D’un Etat palestinien ou de toute la Palestine (« terre arabe » selon lui) sans Israël, et donc sans Israélien ? Il ne le dit pas explicitement, bien sûr, mais…..

Quant au CRIF, j’estime depuis longtemps qu’il ne m’a jamais représenté….

Jules

Je propose qu’il y ait un débat entre Mr Trigano et Mr Prasquier, afin que ce dernier nous donne une eventuelle explication sur ce faux pas qui ne pourra que consolider la position de Mahmoud Abass dans son intransigeance.

Je cherche, mais j’avoue que j’ai du mal a saisir le pourquoi d’une telle décision, cela va encore jaser dans les chaumiéres des antisionistes de tous poils.

viza4210

Au-delà de l’affront, je pense qu’il a été contraint à cette visite par la couple Sarkozy/Kouchner.
Raison de plus pour considérer qu’il s’est humilié et qu’il nous a humiliés avec lui.
Est-il encore représentatif?

HAENEL

Je crois qu’il y a lieu d’appeler les choses et gens par leur nom. Monsieur PRASQUIER ès qualité de Président du CRIF a rendu visite à Mahmoud Abbas. Ou l’on destitue M PRASQUIER de ses fonctions
ou l’on boycote le CRIF ? Ledit CRIF nous invite par ailleurs aux côtés du mouvement juif libéral à regarder pendant yom tov l’émission sur Copernic. Il est vrai que certains peuvent l’enregistrer, mais le CRIF n’a t-il plus de pouvoir pour demander la reprogrammation à une autre date ?
Pas un mot sur Sim »hat Thora , pas une invitation aux membres de la communauté juive de France à assister aux offices. Le CRIF est-il encore représentatif ? ‘hag samea’h à tous.

NOGIER

pourquoi ne pas demander un  » droit de reponse  » a Europe 1 en arguant qu’ils n’arretent pas de s’autofeliciter de leur remontee d’audience mais que si c’est au detriment de pertes de toutes valeurs objectives , ils risquent de prendre le chemin inverse rapidement.

Koskasmarc3

Trigano a toujours raison, mais cette fois il a particulièrement raison sur la nature profondément raciste du nationalisme arabe. Nous assistons pourtant depuis les années 50 à une véritable épuration ethnique, une déjudaïsation à grande échelle des pays arabes. Ni au Maghreb ni au Moyen Orient, il n’y avait de  » colonies ». Néanmoins les juifs ont été chassés de ces pays là. Dans l’argumentaire pro-palestinien des occidentaux, cet aspect hideux du nationalisme arabe n’est jamais évoqué, alors qu’il est inconciliable avec les valeurs proclamées de l’Europe et des E-U. J’y vois deux raisons: d’une part la culpabilité post-coloniale à l’égard des arabes, mais surtout l’idée véhiculée par le christianisme primitif selon laquelle « les derniers seront les premiers ». Autrement dit: le plus faible a toujours raison. Or le plus faible n’a pas toujours raison, il faudra bien l’admettre. Du vietcong aux FARC en passant par l’OLP, les plus faibles ont tort et sont des criminels. Osons dire enfin qu’Israël a beau être le plus fort militairement, il est également le plus fort moralement.

Patrick37

Analyse fort pertinente.
Le fondement de l’Etat hypothétique palestinien repose sur l’anéantissement improbable d’Israël.
Tout le reste est un anesthésiant politique de mauvaise qualité !