Avocat de Patrick Buisson, dirigeant du Crif et de l’UMP, passeur entre droite et extrême droite… A coups de joutes tous azimuts et de provocs, Gilles-William Goldnadel, combattant de la cause juive, n’a de cesse de montrer que l’antisémitisme français a changé de visage.


Gilles-William Goldnadel, chez lui, à Neuilly. « Je suis un touche-à-tout, avec les avantages et les inconvénients », reconnaît-il.
© Bertrand Desprez pour L’Express

Ce matin-là, Me Gilles-William Goldnadel marche en Terre promise. Il longe la mer, entre les deux ports de Tel-Aviv, où il se trouve jusqu’à la mi-mai. L’avocat, dont la vie a basculé dans d’incessants allers-retours entre la France et Israël, se paie, grâce aux honoraires confortables glanés auprès d’une clientèle de patrons franco-israéliens, le luxe infini de ces voyages, et surtout de ces promenades matinales.

En France, ses journées se sont considérablement allongées. Au droit sont venues s’ajouter la politique et l’omniprésence médiatique. « Lorsque vous vous exposez ainsi, vous êtes d’abord moqué, puis accepté, décrypte Me David Koubbi, le conseil de Tristane Banon et de Jérôme Kerviel, notamment. Ensuite, vous disparaissez des médias, ou vous y restez, selon l’authenticité de vos convictions. Lui est encore là. » Voilà William, comme l’appellent ses amis, les vrais comme les faux, devenu un éminent membre du « Tout-Paris des convictions », ainsi que l’adoube François d’Orcival, éditorialiste à Valeurs actuelles.

Un zozotement, des cheveux bouclés légèrement gominés, tirés vers l’arrière : les chaînes d’information accueillent régulièrement la silhouette de ce défenseur de la cause juive. Depuis quatre ans, la radio RMC lui trouve une place dans le studio des bien nommées Grandes Gueules. Alain Marschall, coanimateur de l’émission, apprécie « ce proche du Likoud NDLR : le parti conservateur israélien »>Article original qui manie aussi bien la dialectique que la mauvaise foi ». Au risque d’incendier le standard de la radio populaire. Le prédicateur, membre du comité directeur du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) depuis 2010, exerce également ses talents sur la plateforme d’opinion du Figaro Vox et dans l’hebdomadaire Valeurs actuelles.

Il occupe tout le spectre de la droite, saucisson, loden et veste de chasse. Ajoutez-lui un poste de secrétaire national de l’UMP, et le rôle de défenseur officiel de Patrick Buisson, et vous obtenez un personnage visible, pas toujours lisible. Il marque ces territoires d’une même empreinte : le rentrededans. Interrogé sur la grande affaire de la fin de l’année 2013, il commence par reconnaître à Dieudonné une vraie popularité en banlieue. Avant de glisser : « Mais les pauvres n’ont pas toujours raison… »

« L’extrême gauche nous prend à revers »

Derrière l’uppercut, la lutte. Toujours la même, obsédante, qui nourrit de longues conversations avec son ami, le nouvel académicien Alain Finkielkraut : « Ensemble, nous avons beaucoup discuté du fait que le Front national est un leurre pendant que l’extrême gauche et les islamistes nous prennent à revers », dit l’avocat. Ici, il est bien évidemment question de l’antisémitisme, cette maladie sociale dont Goldnadel pense avoir démontré qu’elle équivaut à l’antisionisme radical.

Des sujets de débat également abordés avec son plus fameux client du moment, Patrick Buisson. La rencontre remonterait à une bonne décennie, sur un plateau de la chaîne LCI. La relation avec « ce monsieur très secret et mystérieux » a été entretenue durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Et au-delà : il y a un an, c’est par l’entremise du politologue qu’un déjeuner au Bourbon, près de l’Assemblée, a scellé l’adhésion de Goldnadel à la Droite forte, le courant de l’UMP soutenu par Buisson, chapeauté par Geoffroy Didier et Guillaume Peltier.

Aujourd’hui, à ceux que les enregistrements clandestins de l’éminence de l’ancien chef de l’Etat révulsent, Goldnadel propose cette métaphore osée : « On peut à la fois ne pas aimer son médecin et avoir besoin de lui. » A l’UMP, il sert désormais de messager à ce thérapeute radié. Si l’avocat défend Buisson, c’est aussi pour s’attaquer au suivisme de la meute : « Comme si, du fond des âges, je réagissais en juif. » Patrick Buisson et Gilles-William Goldnadel partagent des connaissances communes : Paul-Marie Coûteaux, l’entremetteur germanopratin de la droite dure, est l’une d’elles.

En décembre dernier, Buisson dîne encore au domicile parisien de l’ancien député européen. Goldnadel, lui, a rencontré cet allié électoral de Marine Le Pen lors d’un repas à l’initiative de l’éditorialiste du Figaro Ivan Rioufol. Depuis, il participe à des émissions qu’anime Coûteaux sur Radio Courtoisie. Le réseau social de Goldnadel se dessine une figure complexe. Singulière. Rarement militant communautaire juif a flirté si loin avec ces figures très à droite de la droite. Coûteaux s’en réjouit : « Il faut multiplier les Goldnadel, afin d’améliorer nos relations avec le Crif, pour le moins embryonnaires. »

Héros d’une France conservatrice

Les temps ont changé depuis que, enfant, Goldnadel ressentait « l’autre, le non-juif, le goy redouté » comme « exclusivement incarné par le catholique incirconcis aux cheveux raides ». Le voici aujourd’hui en héros d’une France conservatrice, acclamé comme un renfort inattendu, quand il préface, en 2011, le livre Vendée : du génocide au mémoricide, de Reynald Secher (éd. du Cerf), historien contrerévolutionnaire et proche de Philippe de Villiers. Il écrit alors : « Pourquoi ce qui est vrai pour le génocide des Juifs et des Arméniens ne le serait-il pas pour le génocide des Vendéens? »

Succès assuré dans les paroisses des Yvelines. Goldnadel dîne peu en ville, mais il déjeune beaucoup. Bernard Antony, ancien dirigeant du Front national, catholique traditionaliste reconverti dans la lutte contre les Femen et la christianophobie, a ainsi pu « casser la croûte » avec lui en 2007, après lui avoir offert son Histoire des Juifs, d’Abraham à nos jours (éd. Godefroy de Bouillon). Goldnadel a promis à l’auteur de la lire, en situation, lors de vacances en Israël.

Tous ces chemins devaient aboutir à Marine Le Pen. Au début de 2011, le téléphone de son cabinet d’avocat sonne. Un collaborateur de la toute nouvelle présidente du Front national veut prendre rendez-vous. La fille de Jean-Marie sait que son interlocuteur a toujours traité le FN en adversaire et non en ennemi. La conversation s’engage, Marine Le Pen fait part de son souhait d’aller un jour en Israël. « Je ne considère pas votre parti comme les autres, rétorque Goldnadel. Vous n’avez toujours pas renoncé à l’ambivalence de votre père vis-à-vis de la Shoah. Vous devriez tuer le père. » Quelques semaines plus tard, Marine Le Pen affirme au Point (3 février 2011), dans un entretien qui fera grand bruit, que l’Holocauste représente « le summum de la barbarie ». Un « véritable aggiornamento » pour l’avocat.

L’histoire est belle, Marine Le Pen affirme qu’elle est fausse. Elle dit aussi qu’elle n’a pas croisé « GWG » « depuis quinze ans ». Pourtant, Alexis Corbière, un très proche de Jean-Luc Mélenchon, relate une scène récente. Le 8 avril 2013, dans les loges de BFM TV, le dirigeant du Parti de gauche sort d’un plateau où il vient de débattre chaudement avec le directeur des rédactions du Figaro,Alexis Brézet, et Goldnadel. Il aperçoit ce dernier saluant Marine Le Pen, qui patiente devant un petit buffet avant d’être interviewée par Ruth Elkrief.

« C’était très chaleureux », insiste Corbière, choqué par le tutoiement des deux protagonistes et leurs embrassades. Ces fréquentations, le dirigeant du Crif les explique sans ambages : « Avant, le stéréotype du juif était d’être lâche et apatride : l’extrême droite nous détestait. Désormais, le juif est vu comme nationaliste et belliqueux, et c’est l’extrême gauche internationaliste qui nous déteste. »

Volubile, épicurien, il revendique sa part latine

Aude Weill-Reynal, au milieu des années 1970 étudiante à la faculté de Tolbiac et future avocate, se remémore aujourd’hui son intrépide camarade et elle-même en lutte contre les maos qui venaient les provoquer en leur demandant : « Prouvez-nous qu’il existe un peuple juif ! » Dans son livre Réflexions sur la question blanche (éd. Jean-Claude Gawsewitch), Goldnadel dénonce « la confusion dramatique » du slogan « CRS-SS » de Mai 68. Si Dov Zerah, ancien président du Consistoire de Paris, a poussé son ami William à se présenter au Crif, c’est « pour une stratégie d’ensemble sur la communauté, et parce qu’il est le premier à avoir attiré l’attention de tous sur certaines formes d’antisémitisme de l’extrême gauche, tout en dénonçant l’antisémitisme traditionnel de l’extrême droite ».

Comme le souffle Aude Weill-Reynal, « l’antisémitisme est un virus mutant… » Persuadé qu’il y a autant d’antisémites à Libération qu’au Figaro, Goldnadel définit ainsi le danger le plus imminent : « L’islamo-gauchisme ». La gauche de la gauche lui rend bien cette aversion, quand la sénatrice écologiste juive Esther Benbassa est agacée par cet « ultra qui nage dans les eaux troubles de la convergence ». Pour le mélenchonien Alexis Corbière, « Goldnadel et le Crif participent à cet amalgame honteux qui consiste à traiter d’antisémites tous ceux qui ne sont pas alignés sur la diplomatie israélienne ».

Amoureux, donc déraisonnable, l’avocat forge, mois après mois, sa passion pour « le projet sioniste ». L’enfant de Gournay-en-Bray, dans la grande banlieue rouennaise, fils de marchands de vêtements, a trouvé dans l’identité juive le moteur d’une existence et le motif d’une fierté. A 13 ans, en 1967, lorsque la radio lui apprend la victoire des Israéliens dans la guerre des Six-Jours, il s’empresse d’aller rapporter avec gourmandise à l’oreille de son papa, en pleine belote dans l’arrière-salle d’un café, que « le Sinaï est plein de chaussures égyptiennes ».

Un cerbère aux allures de Don Quichotte

Une quarantaine d’années plus tard, il se voit comme « un cerbère vigilant de la communauté ». Un cerbère aux allures de Don Quichotte : « Je suis un touche-à-tout, avec les avantages et les inconvénients. Je ne serai sans doute jamais le premier des avocats, le premier des politiques ou le premier des éditorialistes. » Un de ses amis : « Entre la cinquième et la dixième place… »

Le journaliste Guy Birenbaum, interrogé à l’occasion d’un portrait dans Libération, s’est amusé de « cet ashkénaze qui joue au séfarade ». Volubile, objectivement sympathique, épicurien, amoureux des huiles essentielles et des chocolats Jean-Paul Hévin, Goldnadel revendique sa part latine… « de par les origines juives roumaines de sa »>Article original mère ». Voilà pour le profil.

Reste le mystère de ce défenseur de la judéité, l’absence de foi. Enfin, jusqu’ici. Aujourd’hui, il confesse aimer humer l’odeur des synagogues. Pour Me Koubbi, son confrère « est sans doute dans une partie de sa vie qui est une phase de consolidation, pour laquelle il est nécessaire de savoir d’où l’on vient. L’idée de Dieu devient alors peut-être plus attirante ». L’intéressé reconnaît avoir « fini par croire en la miséricorde ». Désormais, il lui arrive même de « douter de l’inexistence de Dieu ».

Par Tugdual Denis, publié le 24/04/2014 à 20:15

Source : lexpress.fr Article original

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kos22

Je trouve pour ma part ses ecrits brillant sur la forme
et tres juste sur le fond, en France on ne peut etre que de droite pour etre dans le vrai
sur ts les plans, tant la gauche francaise est rétrograde, et in fine nullissime!

MarcBRZ

Ni orthodoxie, ni couronnes à tresser, Goldnadel prend ses risques, on peut apprécier sa verve et ne pas soutenir ses positions, en pense ce qu’on en veut.

Contrairement à beaucoup de dirigeants communautaires, il a du peps et sait parler. Il pense qu’il y a des tabous à décrasser, qu’il faut aller en-dehors des sentiers battus. Peut-être pousse t-il le bouchon un peu loin.

On ne peut pas être avocat sans être, un peu, celui du Diable (Buisson, causeries avec Le Pen…).

Le vrai problème est, peut-être, qu’il n’y a plus, ou qu’il n’y a jamais réellement eu de position « juive » en politique française. A force de détonner avec tous ceux qui ont servi la gauche, il passe pour le « roi des réacts ». Mais, en comparaison, le nouvel académicien, Finky, assumé comme partisan de « la paix maintenant » est taxé d’être le « porte-voix du FN » et du « Sionisme » sous la Coupole… Alors pourquoi ne pas y aller « franco de port »?

david c

(j’espère que mon commentaire « non-orthodoxe » ne disparaitra pas ! J’appréciais beaucoup les ecrits de Goldnadel ….., mais depuis l’affaire Buisson où il a été roulé , et nous a roulé dans la farine par ses « affirmations  » , je trouve que l’auréole qui lui est tissée ici s’est bien ternie !