En 2005, la loi donnait dix ans aux établissements accueillant du public pour se mettre aux normes. Le gouvernement a décidé de rallonger les délais.Prendre un bus, acheter du pain à la boulangerie ou simplement se pointer au guichet de la mairie pour, soyons fou, s’inscrire sur les listes électorales… Des milliers de personnes handicapées ne peuvent toujours pas se payer ce luxe. Elles vont devoir encore attendre.

La loi sur l’égalité des chances de 2005, l’un des grands chantiers de Jacques Chirac, avait pourtant posé le principe d’une accessibilité pour tous, prévoyant que tous les lieux accueillant du public (boutiques, écoles, transport, services publics…), se mettent aux normes fissa.

Enfin, façon de parler : la loi avait quand même accordé un délai de dix ans, donc jusqu’en 2015, pour faire les travaux.

Ou dans les cas où des aménagements ne seraient pas possibles, de prévoir des moyens de substitution. Par exemple, créer un service de livraison à domicile pour les boutiques de trop petite taille, où les transformations sont irréalisables.

Au moment de l’adoption de cette loi, les associations étaient déjà méfiantes : les textes de loi, ce n’est pas ce qui manque.

Le plus dur, c’est de les faire appliquer, avertissaient-elles, rappelant que dès 1975, une loi prévoyait un «accès des personnes handicapées aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population».

Quarante ans se sont écoulés… L’accessibilité pour tous est toujours loin d’être une réalité. Il y a dix jours, l’Association des paralysés de France publiait son baromètre annuel : à peine plus de la moitié des écoles et seulement 42% des réseaux de bus sont aujourd’hui accessibles aux personnes à mobilité réduite. En 2012, un rapport très détaillé de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) évaluait à… 15% le nombre d’établissements recevant du public aux normes.

Un résultat qualifié de «lamentable» par la ministre chargée des Personnes handicapées, Marie-Arlette Carlotti, qui avait toutefois assuré «maintenir le 1er janvier 2015 comme date butoir mais avec un nouvel échéancier intermédiaire pour maintenir la pression sur tous les acteurs.»

TROIS À NEUF ANS DE RAB

Aujourd’hui, le gouvernement vient de baisser les bras. C’était annoncé. Après avoir reconnu en septembre dernier qu’il ne parviendrait pas à tenir l’objectif de 2015, Matignon avait chargé la sénatrice PS Claire-Lise Campion d’organiser une concertation réunissant pendant quatre mois les acteurs publics et privés (associations, collectivités, commerces, professions libérales…) afin de définir des «agendas d’accessibilité programmée».

«Ces agendas demanderont aux acteurs qui n’ont pas pu se mettre en conformité au 31 décembre 2014 de s’engager sur un calendrier précis et resserré de travaux d’accessibilité, avec des sanctions en cas de non-respect», précisait récemment la ministre Marie-Arlette Carlotti. Le résultat ressemble comme deux gouttes d’eau à une reculade. Matignon a annoncé ce mercredi un report de l’obligation. Les commerces de proximité ou cabinets médicaux auront ainsi trois ans de rab. Six ans pour les mairies, écoles, chaînes d’hôtellerie et de commerce.

Et neuf ans de plus, soit jusqu’en 2024, pour la SNCF.

Désolation dans les rangs des associations, l’Association des paralysés de France en tête, qui compte sur le Premier ministre pour au moins réaffirmer que «l’accessibilité universelle reste un objectif et que personne ne pourra y déroger». Jean-Marc Ayrault a confirmé ce mercredi matin sa «détermination à engager un processus irréversible pour permettre la concrétisation de l’accessibilité universelle».

Libération Article original

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