Il n’est pas certain que le Quai d’Orsay recherche l’efficacité dans ses missions à l’étranger. A peine les ambassadeurs sont-ils installés qu’ils sont remplacés par une application stricte du règlement et des usages qui limitent à trois ans la durée de leurs missions. La moitié de leur temps de fonction est pourtant consacré à leur installation physique, morale et politique, à la prise de contact, à la connaissance de la classe politique israélienne et à leur intégration comme un simple immigrant.
Trois ans de mission

Christophe Bigot, ambassadeur de France en Israël vient d’annoncer son départ pour le mois de septembre, après trois ans de mission. Il aurait pu obtenir une prolongation d’une année mais les contingences politiques ont primé sur l’efficacité. Son bilan est positif après avoir eu du mal à se positionner au départ en raison d’un temps d’adaptation normal et parce qu’il était sous la pression de ceux qui guettaient ses premiers pas ou sa première maladresse.

La simplicité a été son trait de caractère marquant, à la fois dans ses contacts et dans sa vie de tous les jours. Dans ses points de presse il n’avait pas la morgue de ses jeunes collègues du Quai d’Orsay et restait au niveau de ses interlocuteurs. Il nous avait surpris en rentrant chez lui en moto, à Jaffa, avec son casque règlementaire, sans garde du corps et sans voiture blindée : «il n’y a aucun risque ici disait-il et puis j’évite les embouteillages de Tel-Aviv pour être chez moi en 10 minutes.» Il était à l’image de cette ville qui «ne dort jamais» puisqu’il a collé à la cité transformée en centre économique, intellectuel et culturel d’Israël.

Son départ est marqué par les impératifs liés au changement de président et de ministre des affaires étrangères. Il ne s’explique pas parce qu’il a démérité ni par une quelconque volonté du ministre Laurent Fabius d’imposer sa marque mais plutôt par la tradition républicaine qui consiste à recaser les grands fonctionnaires du précédent régime.

L’alternance

Certains hauts fonctionnaires ont joué tôt la victoire de la gauche et d’autres ont anticipé les changements dans la haute administration en tentant de se placer dans le cadre de l’alternance. Ainsi dès le 10 janvier 2012, 300 «experts» ou jeunes loups de la politique ont alimenté la réflexion du candidat Hollande. «Je sais que certains d’entre vous sont aussi là parce qu’ils cherchent des postes, avait souri le candidat, pas dupe. Ils ont raison, car des postes, il y en aura…»
A l’Assemblée Nationale aussi, de jeunes talents issus de ministères stratégiques ont cherché à mettre leurs compétences au service de l’opposition socialiste d’alors. La démarche a été considérée comme top visible et déplacée pour que Jérôme Bonnafont, directeur de cabinet d’Alain Juppé aux Affaires étrangères, ait éprouvé le besoin le 13 janvier d’effectuer un rappel à l’ordre devant les directeurs du Quai d’Orsay : «Chacun, ici, a la liberté d’avoir des convictions politiques. Mais chacun est aussi tenu au secret professionnel. Il est important dans cette période que le ministre puisse compter sur votre loyauté de fonctionnaires.»

Rumeurs persistantes

Alain Juppé

Justement les rumeurs, non confirmées officiellement par l’ambassade, désignent Jérôme Bonnafont comme le remplaçant de Christophe Bigot. La décision s’imposait parce qu’il fallait, selon la tradition républicaine, trouver un point de chute digne au directeur de cabinet d’Alain Juppé. Il aurait choisi lui-même sa nouvelle affectation.

Jérôme Bonnafont

Certes le précédent ministre des affaires étrangères, gaulliste et chiraquien, n’était pas un grand ami d’Israël puisqu’il l’avait démontré à plusieurs reprises dans ses déclarations. Mais nous ne ferons aucun procès d’intention au nouvel ambassadeur et nous le jugerons à ses actes. Il s’agit d’un haut fonctionnaire chevronné, respectueux des règles démocratiques, qui appliquera la politique imposée par son gouvernement. Son parcours est éloquent. Il a été porte-parole de l’Élysée de 2004 à 2007 et ambassadeur en Inde pendant quatre ans, de 2007 à 2011, date à laquelle il a été appelé à diriger le cabinet d’Alain Juppé.Il sera reçu en Israël avec les égards dus à son rang.

Christophe Bigot n’a pas démérité et n’a pas été victime d’une chasse aux sorcières liée à un changement de gouvernance mais la valse des ambassadeurs a eu raison de son poste actuel.

Publié par J. BENILLOUCHE

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